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Elles
n'ont pas su ou pu trancher d'une façon concluante la question de leur vocation.
Sans négliger de l'examiner, elles ont rencontré un doute qu'elles n'ont jamais
réussi à éclaircir.
Même si ces âmes n'ont pas su clarifier leurs
incertitudes, elles ne peuvent pas, pour cela, être abandonnées de Dieu. Il ne
leur a pas fermé son cœur, et elles ont bien des façons de racheter les
hésitations dont elles n'ont pu se délivrer.
L'imagination compte souvent pour beaucoup dans les
aspirations des jeunes. Les sentiments les plus vrais, les plus beaux, les plus
forts, germent vite dans l'âme pure.
Dieu permet ces envolées naïves, ces désirs vibrants, pour
protéger l'âme contre le monde, pour la garder dans des sphères plus élevées,
pour la conduire à une préparation à laquelle elle n'aurait pas pensé recourir
sans cela, et pour s'enrichir enfin de mérites et de grâces. Il l'a placée en
face d'un idéal pour l'élever, la façonner et pour l'empêcher de faiblir.
Quand il écarte l'objectif poursuivi, pour en montrer un
autre, Dieu veille à ce que les perfectionnements acquis, au lieu de
s'effondrer, soient un atout. Et le jour venu de fixer son choix, l'âme se
sentira plus forte, malgré sa déception, parce qu'elle sera plus près de Dieu.
Comme saint Paul sur le chemin de Damas, certains sont
renversés pour être mieux éclairés. Mais, le plus souvent, la vocation est une
voix douce qui se fait entendre à l'âme comme un écho de Dieu qui appelle. Mais
il y a aussi des âmes qui vivent longtemps dans l'incertitude, et c'est en
tâtonnant qu'elles vont à la recherche de leur voie.
Dieu est un parfait pédagogue. Nous connaissant de fond en
comble, il nous incite à le suivre par des procédés qui réussissent auprès des
hommes. Il nous attire à lui en se servant de l'influence que les sens exercent
sur l'âme. La plupart de nos décisions sont influencées par la façon dont la
vocation se fait entendre à l'âme.
L'architecte prend son temps pour tracer ses plans avant
d'entreprendre les travaux de construction; le voyageur prend son temps pour
étudier et préparer son itinéraire avant de se mettre en route. De même, nous
devons éviter tout excès de crainte ou de précipitation pour bien préparer notre
voyage vers notre salut éternel.
S'il a déclaré dans l'Évangile que “pas un cheveu de
notre tête ne tombe sans la volonté du Père céleste”, peut-Il laisser des
créatures humaines errer au hasard sans une attention paternelle qui les
conduise au but qu'Il leur a fixé.
Quand un ingénieur veut construire un mécanisme, il
travaille d'après un plan. Il prévoie avec exactitude tous les détails. Dieu en
fait autant par sa Providence. Tous les hommes sont des rouages de cet immense
mécanisme qu'est le monde humain. Ces rouages sont faits pour des places
déterminées, pour des missions précises; chaque être humain a donc sa vocation
spéciale.
Non seulement Dieu nous fixe un état de vie où nous
aurons, pour le servir et nous sauver, des grâces que nous ne trouverons pas
ailleurs, mais encore, Il nous y achemine lentement.
Empêcher un enfant de suivre la vocation à laquelle Dieu
l'appelle est une sorte d'injustice envers Dieu. Celui qui nous a créés peut
disposer de nous comme il lui plaît. Quand Il veut un enfant dans tel ou tel
état de vie, quand Il manifeste sa volonté à cet égard, s'opposer à ses
desseins, c'est violer témérairement ses droits les plus sacrés. Personne n'a le
droit de résister au plan de Dieu pour son enfant.
Contraindre un enfant dans le choix d'un état de vie,
c'est une injustice envers cet enfant, c'est le priver d'un droit que toutes les
lois divines lui reconnaissent. C'est lui arracher par force les grâces de choix
que le Seigneur lui préparait dans la vocation qu'on l'empêche de suivre. C'est
peut-être même exposer son salut. Les parents qui le comprennent respectent
fidèlement les vues de Dieu sur leur enfant. Ils s'y conforment avec confiance,
amour et générosité.
Dieu demande à chacun de rester dans l'état où Il l'a
placé. Dans les moments difficiles, il peut arriver de s'imaginer être mieux
dans un autre état de vie. Dans les épreuves et les douleurs de notre vie, nous
devons reconnaître que la main de Dieu, lorsqu'elle nous frappe, comme celle du
médecin lorsqu'il opère, ne blesse que pour guérir.
Il faut accepter nos croix, petites ou grandes. “De
petites actions faites avec beaucoup de charité valent mieux que des grandes
actions faites avec peu d'amour.” L'amour de Dieu donne du prix à nos
œuvres.
Ce serait aisé d'aimer notre état de vie si tout était
toujours facile et agréable. Mais aimer notre vocation dans les heures
d'adversités, c'est méritoire. C'est le triomphe de la raison et de la grâce sur
les tendances de la nature.
Une des joies de cette vie est de se plaire dans la
condition et dans l'état où Dieu nous a placés. Mais il faut éviter tout excès
contraire.
L'estime excessive de sa vocation se manifeste par le
mépris avec lequel on parle des autres vocations. Saint François de Sales nous
dit que “les grands saints relèvent le célibat sans rabaisser le mariage; ils
louent la pauvreté volontaire sans blâmer les riches, lorsque surtout ils font
un bon usage de leurs biens; ils donnent de justes éloges à l'obéissance sans
dénigrer l'autorité, à la vie de communauté sans ravaler la vie de famille ou la
vie privée.”
“Ils savent que la perfection essentielle commandée à
tous les chrétiens, de quelque condition qu'ils soient, consiste dans la
charité, que cette perfection peut s'atteindre dans toutes les vocations,
puisque Dieu répand également sa grâce dans tous les cœurs qui veulent en
profiter, sans exception de personnes.”
Les parents chrétiens ne sauraient se soustraire à
l'obligation d'aider leurs enfants à reconnaître les signes de leur vocation.
Combien de gens entrent en aveugles dans un genre de vie,
sans se demander s'il répond bien à leur destinée ! Ces imprudents risquent de
se jeter dans des devoirs pour lesquels ils n'étaient pas faits et de s'écarter
du sentier où la grâce de Dieu les attendait.
Dans les choses importantes de la vie, on ne doit rien
faire sans demander conseil. Au sujet de la vocation, pour savoir prendre, en
connaissance de cause, une décision d'où dépendra leur bonheur en cette vie et
en l'autre, les enfants doivent consulter Dieu, consulter leur directeur
spirituel, leur confesseur, leurs parents et se questionner eux-mêmes.
Dieu laisse le soin et l'honneur de chercher la voie qu'Il
nous a choisie. Les parents doivent indiquer à leurs enfants que le premier
moyen à prendre pour connaître sûrement leur vocation, c'est de prier Dieu, pour
qu'Il leur fasse connaître clairement la vocation qui leur est destinée.
Quand, au milieu du désert, le vent a fait disparaître le
chemin, le voyageur lève les yeux, interroge le ciel, cherche sa route parmi les
étoiles. Il faut faire comme lui. Il y a là-haut Quelqu'un qui peut nous la
montrer.
Les parents s'uniront à leurs enfants pour mettre le ciel
entier à contribution; ils prieront le Cœur de Jésus et celui de Marie de leur
venir en aide; ils invoqueront les saints auxquels ils ont le plus de dévotion;
il leur faudra prier, prier, sans jamais se lasser. Prier avec confiance,
certains d'être exaucés; avec humilité, avec ferveur, et avec persévérance, car
le Seigneur aime à être sollicité dans le recueillement et la paix. Sûrement, Il
parlera à leur cœur.
S'il faut prier, il faut aussi mortifier ses passions;
cette pratique est une de celles qui assureront le plus le succès des prières.
Accepter la croix de l'état présent, sans se plaindre, mais avec joie et
générosité; choisir ce qui mortifie les sens, éviter ce qui flatte la vanité et
l'orgueil... C'est souvent à travers les circonstances de la vie que Dieu
manifeste ses volontés à l'âme attentive.
Les parents chrétiens veilleront à ce que leur enfant
puisse consulter un directeur spirituel. Non pas n'importe quel prêtre, mais
celui auquel il s'adresse d'habitude, qui l'a suivi depuis son enfance et qui
connaît ses défauts, ses qualités, ses goûts, sa famille. Il est mieux à même
que tout autre de lui donner des conseils sages et désintéressés. Les parents
veilleront à vérifier si ce prêtre est bien formé, éclairé et dégagé de tout
parti pris et de toute considération humaine. Il faut que ce prêtre connaisse
bien la nature et les implications de chaque vocation.
Les parents conseilleront à leur enfant de bien lui ouvrir
toute son âme, de lui dire ses attraits, ses inclinations, ses difficultés, tout
ce qu'il sait sur lui-même, soit en bien, soit en mal.
Le rôle du prêtre est d'aider de ses conseils et de son
expérience, et non pas d'imposer une décision. Son habitude des âmes, sa
connaissance des voies de Dieu, les regards qu'il peut plonger jusqu'au fond de
la conscience, tout cela l'aide énormément et donne un poids immense à ses
conseils.
L'enfant doit réfléchir, consulter son âme, son cœur, ses
goûts, ses inclinations; il doit examiner ses attraits et ses répugnances; se
demander s'il a ce qu'il lui faut pour entrer dans la vocation qui l'attire. Ses
aptitudes physiques et morales doivent, avant tout, entrer en ligne de compte,
car l'inaptitude, d'où qu'elle vienne, à une vocation, exclut par elle-même
toute probabilité d'appel divin.
À cette recherche, à cet examen de ses attraits, l'enfant
devra s'informer sur les obligations, les difficultés et les avantages de chaque
état de vie. Il aura avantage à consulter ses parents ou même d'autres personnes
qui peuvent l'aider à se connaître lui-même; mais il devra se garder de se juger
seulement selon les pensées du monde. C'est une grande folie que de se décider
sur des préjugés et des motifs humains. Il ne faut jamais oublier que la
vocation est un moyen de servir Dieu !
Les
parents réfléchiront avec leur enfant sur les points qui peuvent l'aider dans
son choix: Les véritables raisons pour préférer un état de vie plutôt qu'un
autre; ce qu'on voudrait avoir accompli à notre dernière heure; le conseil à
donner à un ami qui serait dans cette situation; les moyens que lui offrirait
cet état de vie pour combattre ses mauvaises inclinations; de quelle façon
pourrait-il se rendre utile pour son prochain dans cette vocation; a-t-il les
aptitudes pour bien remplir son rôle dans cet état de vie.
Après s'être ainsi interrogé, il ne restera plus qu'à
prêter l'oreille à la voix du Seigneur, et, afin d'éviter toute illusion, à
attendre que le directeur spirituel, dise: C'est ce que Dieu veut ! ...
Il peut arriver d'avoir autant d'inclinations pour un état
que pour un autre: Dans la balance, tout s'égalise de telle sorte qu'on ne sait
plus quel parti prendre. Il faut, alors, continuer à prier; attendre des
événements, une réponse, un signe qui tracera notre voie, se recueillir encore
et se décider pour le parti qui semblera nous rapprocher davantage de Dieu.
Il se peut aussi qu'après une décision sérieusement prise,
après avoir fait des démarches pour s'engager dans une voie, on ne peut s'y
sentir à l'aise. C'est le cas de ceux qui ont cru entendre l'appel de Dieu, qui
ont tâché d'y répondre, mais qui n'avaient pas les aptitudes physiques, ou qui
ont rencontré des difficultés non prévues. Leur beau rêve croule au moment où
ils allaient commencer à le vivre !...
Que faire alors ! Se mettre à errer misérablement? Traîner
une vie inutile? Cette immolation d'un désir, pourquoi la regarder comme “faute
de mieux !” ? Ce qui importe avant tout, c'est la décision irrévocable qui nous
place carrément en face de l'avenir qui s'ouvre devant nous.
Il y a ceux qui attendent. Les jeunes gens qui ne
s'intéressent pas à leur vocation. Le temps s'allonge. La jeunesse s'écoule, et,
quand arrivent les neiges de la vieillesse, ils attendent encore. Le Bon Dieu
choisit ses voies et ses moyens à lui. Lorsqu'on a bien compris ces choses, on
est enthousiaste; on se donne tout entier au Bon Dieu pour suivre sa volonté
présente.
Toute dévotion incompatible avec les devoirs de la
vocation est une fausse dévotion. C'est non une simple erreur, mais une hérésie,
de bannir la dévotion d'un emploi, pourvu que cet emploi soit juste et légitime.
La dévotion convient à tous les états et à toutes les positions.
Être dévot dans sa vocation, c'est pratiquer tous les
devoirs de son état avec une activité fervente et joyeuse, pour la gloire de
Dieu et pour son amour. C'est servir Dieu comme Il désire être servi, c'est
accomplir ses volontés et vivre selon son cœur.
Sans doute, les exercices de piété sont bons et saints,
mais pour les pratiquer utilement, il faut tenir compte des temps, des lieux,
des personnes, des conditions.
La dévotion doit être différemment exercée par chacun
selon la qualité de son état et sa vocation. Les pratiques de dévotion
convenables dans une vocation peuvent être déplacées dans une autre.
Les occupations légitimes de notre état ne nous éloignent
pas de Dieu. Au contraire, ce lien nous attache plus fortement à lui. Les
différer, les interrompre, les quitter, les omettre quand on devrait y consacrer
son temps, sous prétexte de s'entretenir avec Dieu dans la prière, la lecture
spirituelle, la solitude, le silence, le repos, c'est quitter Dieu pour s'unir à
nous-mêmes, et faire un acte d'amour de soi, au lieu de s'unir à Dieu et de lui
témoigner de l'amour.
Quitter les devoirs de son état pour se livrer à des
occupations qui plaisent, quelque pieuses qu'elles paraissent, c'est faire des
choses sans valeur.
En voulant servir Dieu, suivant les caprices de son goût,
on ne fait rien ni pour Dieu ni pour soi. Dieu veut être servi selon sa volonté,
non selon la nôtre, et quel moyen de s'unir à lui, en refusant d'obéir à sa
volonté?
Ô mon Dieu, qui gouvernez tout avec nombre,
poids et mesure, faites-moi la grâce de connaître la voie dans laquelle je dois
marcher. À quoi me servirait de courir hors du chemin que vous m'avez tracé?
Quel malheur pour moi, si je me mettais en opposition avec vos desseins ! Que
voulez-vous que je fasse, je suis prêt, Seigneur. Je fais la paix dans mon âme
pour mieux vous entendre. Parlez, je vous écoute. Que votre volonté soit faite
sur la terre comme au ciel. Je veux ce que vous voulez, parce que votre gloire
et votre service, mon bonheur éternel et temporel s'y trouvent.
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Ô Marie, mère de Dieu et ma mère, douce étoile
du voyageur sur la mer orageuse de ce monde, conduisez-moi vers le port du
bonheur éternel. Guidez-moi à travers les écueils, par la voie que Dieu m'a
préparée de toute éternité. Faites-moi connaître ma vocation, ma place dans ce
lieu d'exil et donnez-moi d'être généreux et fidèle, afin que j'arrive plus
sûrement à la patrie, au séjour du vrai bonheur.
Ainsi soit-il.
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