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─ Chapitre 2 ─
La tâche essentielle du chrétien consiste
dans le parfait accomplissement de son devoir d'état. Dieu demande à chacun des
époux de demeurer là où il l'a placé et de remplir les obligations qui font
naturellement partie de l'état de vie qu'il a choisi en se mariant. Mais le Malin, l'esprit du mensonge, peut suggérer de quitter cet état de vie,
afin de faire tomber, quand ils auront pris une autre vocation, ceux qui se
tiennent debout dans celle où ils sont. Ainsi, ceux qui vivent assez bien dans
la voie des commandements, s'imaginent qu'ils seraient mieux encore s'ils
étaient dans un autre état de vie, parce qu'ils se figurent que les laïcs ne
peuvent pas pratiquer les conseils évangéliques aussi bien que les personnes
consacrées, les religieux, les prêtres. De là mille inquiétudes qui les
empêchent de travailler à se perfectionner dans leur état.
Il ne faut pas croire qu'on peut se sauver à moindres frais dans une autre
vocation que la nôtre. Occupons-nous plutôt de perfectionner nos pensées et de
porter nos croix, petites ou grandes. ‟Chacun aime selon son goût, peu de gens
aiment selon leur devoirˮ. Ne nous attardons pas à faire autre chose que ce que
nous devons faire.
‟L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils seront
une seule chairˮ. Cette parole de Dieu souligne nettement la complète autonomie
de la nouvelle communauté fondée par l'homme et la femme dans le mariage. Dès
lors, ils se détachent de la famille à laquelle ils appartenaient, et ils
forment à leur tour une nouvelle famille.
L'autonomie du nouveau foyer n'est pas la manifestation d'un égoïsme à deux,
mais il correspond à la nature profonde du mariage chrétien. Et il ne s'agit pas
de diminuer au profit de l'amour conjugal, l'affection filiale et le respect dus
aux parents de chacun des deux époux.
Même si la société civile laisse entendre aux époux qu'ils n'ont plus de compte
à rendre à leurs parents, il n'en demeure pas moins que Dieu n'a pas aboli son
4e commandement dans les rapports entre les époux et leurs parents.
L'amour et le respect mutuel entre parents et enfants se traduiront alors par la
fidélité aux enseignements reçus et par l'obéissance à la loi morale et
religieuse, qu'ils ont le devoir de transmettre à leurs descendants. Les époux
s'inspireront tout naturellement de l'amour et de l'éducation qu'ils ont reçus
de leurs parents, pour prendre leurs propres décisions dans la conduite de leur
foyer. Il faut prendre conscience que la vocation familiale est au sens strict quelque
chose de sacré, qui appartient à Dieu, qui doit être vécu intégralement pour
Dieu. Tout ce qui contrarie la croissance de cette vocation est non seulement un
dommage fait aux époux et à leurs enfants, mais à Dieu même. Et le support,
entre les époux et leurs parents, pour être bénéfique, doit obéir à ces
exigences.
C'est alors une tâche délicate pour les beaux-parents que de poursuivre leur
œuvre d'éducation dans ce nouveau cadre de vie. La tentation est forte
d'intervenir, d'imposer ses goûts, ses habitudes, ses convictions. Pour éviter
bien des souffrances à chacun, on interviendra plutôt avec diplomatie, tact et
discrétion.
Le bon sens et le respect de la liberté d'autrui les guideront pour distinguer
ce qu'il faut dire et ce qu'il faut taire. C'est sagesse de parler quand et
comme il faut, et de se taire quand les circonstances l'exigent. Il faut agir
avec simplicité, en ne parlant qu'à-propos.
Tout en respectant l'autonomie conjugale de leurs enfants, les parents doivent
continuer à veiller sur leur bonheur, en les soutenant dans leurs lourdes
charges et les responsabilités de leur nouveau foyer. Car même une fois mariés,
qui de mieux placés que les parents des époux, eux qui les connaissent
intimement, pour leur indiquer la bonne piste pour résoudre les problèmes liés à
leur vie familiale. On oublie trop souvent que l'expérience des parents, distillée avec jugement,
est une grande richesse pour les nouveaux époux. On oublie aussi trop facilement
que les grâces d'état du mariage sont toujours disponibles à qui les demande,
pour remplir les obligations imposées par le 4e Commandement de Dieu:
‟Père et
mère tu honoreras, afin de vivre longuementˮ.
Si des problèmes d'entente familiale surviennent entre les époux, ceux-ci
devront s'abstenir d'en faire mention à leurs amis et même dans leur famille
respective, à moins que ce ne soit pour recevoir conseils et lumière, et cela en
toute confidentialité.
Chaque famille a droit à son intimité. Ne pas raconter à tout le monde les
imperfections, défauts ou problèmes du mari, de la femme ou des enfants favorise
le climat de confiance absolument nécessaire dans une relation harmonieuse entre
chaque membre de la famille.
L'amour qui doit régner au sein de la famille suppose également la franchise et
la discrétion entre les membres même de la famille. Bien des problèmes seraient
évités si chacun considérait l'autre comme un autre soi-même, ou mieux encore
comme le Christ lui-même. Ne dit-on pas: ‟Ne fais pas à autrui ce que tu ne
voudrais pas que l'on te fasse?ˮ Le prudent réfléchit beaucoup avant de parler et d'agir; il vainc les
impressions, l'impulsivité, l'irritation comme aussi les préjugés, les jugements
téméraires, les mensonges; il tient compte de son expérience passée, pèse les
circonstances, envisage les difficultés prévisibles.
Les pensées ne sont nuisibles qu'à celui qui les entretient, et ne donnent à
autrui ni mauvaise humeur, ni scandale. Dieu seul les connaît, Dieu seul en est
offensé; le repentir suffit pour les effacer.
C'est différent pour les paroles, elles ont une portée plus grande. Les victimes
de la langue pourraient raconter les dégâts innombrables qui en résultent: il a
suffi d'une telle parole ou même d'un sous-entendu, pour créer de la confusion
dans les idées, pour éveiller de noirs soupçons et même détruire une réputation.
Dans une famille, tout peut porter à la critique: la personnalité, le travail,
les passe-temps, les relations, les idées politiques, la manière d'éduquer les
enfants. Ainsi s'accomplit le travail de démolition lent et progressif sous
lequel succombent les personnalités les plus solides.
Une autre tentation menace la personne qui critique: celle de se laver les mains
des conséquences de ses paroles. Même si elle se justifie en se prêtant de
bonnes intentions, elle éprouve des remords. Mais dès que la critique arrive sur
la place publique, la coupable perd totalement le sens de la responsabilité:
l'opinion publique, pense-t-elle, est anonyme et irresponsable. ‟Qu'est-ce que
je puis y changer maintenant?ˮ
La diffamation prend parfois des proportions gigantesques, elle devient un
fleuve qui entraîne tout sur son passage. Et plus il s'élargit, plus il dépasse
les bornes, moins l'on sent la nécessité de rectifier l'opinion devenue
courante.
La vérité devient méconnaissable avec la superstructure créée par les critiques;
inutile de s'illusionner et de se justifier: en mangeant du prochain, on lui
fait perdre sa réputation, on le tue plus sûrement qu'une épée. La langue acérée
blesse toujours, elle atteint immanquablement sa cible, fait vaciller et crouler
même les personnes les plus dignes, les couples les mieux assortis, les familles
les plus saines.
Le mal est incalculable: les mots une fois prononcés ne peuvent être rappelés
que par rétractation, et même après la rétractation, ils continuent souvent à
infecter le cœur du prochain, par le poison qu'ils y ont versé, causant une
souffrance intime à la victime et détruisant sa réputation. Le travail de reconstruction est long, difficile et impuissant à remettre dans
sa lumière primitive la vérité sur laquelle se sont projetées de telles ombres.
C'est une chaîne qui n'en finit plus et dont chaque chaînon a été forgé par une
langue souvent plus imprudente que méchante.
Et il ne faut pas croire, comme on le pense trop souvent, que critique,
médisance et calomnie soient des peccadilles: les pharisiens parlèrent,
murmurèrent et critiquèrent tant et si bien qu'ils réussirent à mettre en croix
le Fils de Dieu. Les paroles de Jésus: ‟Garde-toi d'en parler à personneˮ devraient résonner plus
fréquemment à nos oreilles, non comme un reproche, mais comme un doux
avertissement.
Les personnes prudentes réfléchissent avant de parler, connaissent le prix du
silence et comprennent la valeur d'une parole. Ceci demande souvent un exercice
de retenue dans nos habitudes. Tout étaler sur la place publique apporte un lot
de conséquences qu'on ne peut ni prévoir, ni contrôler. Un attachement sincère à
notre devoir d'état et à la vérité nous évite le risque de déformer la réalité.
C'est d'ailleurs par la fidélité au devoir d'état que le chrétien se sanctifie
et aide son prochain à se sanctifier. C'est aussi vrai dans le mariage: c'est en
se donnant à fond aux siens, à ses tâches familiales, que le chrétien marié peut
remplir vraiment sa vocation et atteindre la sainteté. Ici, pas de remise possible: l'apostolat familial ne peut être différé. Que nous
le voulions ou non, dès que l'enfant vient au monde, l'influence des parents
s'exerce. Et ainsi passent les années. L'enfant, hier encore au berceau, demain
sera un adulte.
Plus les parents saisissent l'importance de leur vocation familiale, plus ils
voient à quel point cette mission est particulièrement délicate. Ils doivent
donner à leurs enfants la formation nécessaire pour en faire des âmes d'élite et
de bons citoyens. Sont-ils bien préparés pour assurer de si grandes
responsabilités? Sont-ils à la hauteur de l'œuvre que Dieu leur a confiée?
Dans une société en constante ébullition, c'est tout un défi pour les époux que
de veiller constamment à la bonne éducation de leurs enfants sous tous ses
aspects: par l'instruction, la vigilance, la correction, le bon exemple et la
prière.
On distingue l'instruction intellectuelle et l'instruction religieuse. À
l'enfant sans instruction, il est difficile d'apprendre et de conserver dans son
esprit les vérités qu'il doit savoir comme chrétien.
Il faut rendre l'étude et la vie scolaire agréables, car si l'enfant aime ce
qu'il est obligé d'apprendre, tout en développant son intelligence et en formant
son jugement, il aura beaucoup de satisfaction à découvrir de nouvelles
connaissances et à développer son sens civique. Ses parents prendront soin de le
guider dès son enfance dans le choix de ses lectures et de ses activités
éducatives, et ils le détourneront des lectures insignifiantes ou malsaines.
L'enfant doit grandir dans un milieu ouvert à ses besoins intellectuels.
Le travail et l'application des enfants doivent être interrompus par des
périodes de saine détente et encouragés par les récompenses, sans toutefois que
l'enfant s'habitue à tout faire en vue d'une récompense. Quand on en use avec
modération, les récompenses font comprendre à l'enfant que ses efforts sont
appréciés.
On ne doit proposer comme récompense que des choses bonnes en elles-mêmes et
désirables. Il faut surtout se faire un devoir indispensable de toujours tenir
promesse sans tarder. C'est une façon de montrer la valeur de la parole donnée. La saine récréation renouvelle l'énergie pour la poursuite du travail, et
ralentit l'attirance pour les jeux dangereux. Les parents se renseigneront et
éloigneront leurs enfants des influences suspectes et des mauvaises
fréquentations qui réveillent le désir du mal, et qui constituent un danger
sérieux. |