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Toutes les fois qu'on traite avec son semblable, il faut
avant tout lui inspirer la confiance. Si on ne l'inspire pas aux enfants, ils se
cachent et on ne peut pas bien découvrir le défaut à corriger.
Il faut que les enfants soient ouverts avec leurs parents, et qu'ils ne
craignent pas de leur laisser voir leurs défauts. Pour favoriser cette
franchise, les parents seront indulgents envers ceux qui ne se déguisent pas
devant eux.
Il ne faut pas paraître ni étonné, ni irrité de leurs mauvaises inclinations; au
contraire, il faut compatir à leur faiblesse. Quelquefois il y aura comme
inconvénient, qu'ils seront moins retenus par la crainte; mais, à tout prendre,
la confiance et la sincérité leur seront plus utiles que l'autorité rigoureuse.
Il faut que la joie et la confiance soient leurs
dispositions ordinaires; autrement, on obscurcit leur esprit, on abat leur
courage; s'ils sont vifs, on les irrite; s'ils sont mous, on les rend stupides.
Une âme menée par la crainte est toujours faible. Si, sans
une extrême nécessité, on prend un air austère qui fait trembler les enfants,
ils seront timides et honteux,
et
on leur fermerait le cœur, en leur ôtant la confiance sans laquelle il n'y a nul
fruit à espérer de l'éducation.
Et il est nécessaire aux parents d'avoir la confiance de
leurs enfants, non seulement pour le succès de leur éducation, mais encore pour
leur épargner plus tard de grands égarements. Dans quels abîmes, en effet, se
précipitent quelquefois, à l'âge des illusions, des jeunes gens qui n'ont pas
confiance en leurs parents, et qui ne se sentent pas le courage de leur
communiquer leurs projets et leurs plans d'avenir, parce qu'ils n'ont trouvé en
eux, dans leur enfance, qu'une raide et froide sévérité.
Voulant donc éviter à tout prix de fermer le cœur de leur
enfant, les parents chrétiens lui diront avec bonté que pour éviter que ses
défauts le rendent malheureux, il faut qu'il accepte l'aide de ses parents pour
étouffer ses mauvaises tendances, et qu'il doit être reconnaissant, même pour
les punitions que ses parents sont contraints de lui infliger, afin de
l'éloigner du mal. L'enfant doit comprendre que pour réussir dans cette œuvre,
qui implique tout son avenir, il doit chercher avec ses parents à connaître et à
combattre lui-même ses inclinations au mal.
De telles paroles inspireront à l'enfant le désir de découvrir les tendances
mauvaises de sa nature. Les parents lui diront alors ce qu'ils ont remarqué en
lui de défectueux, ayant soin de lui reprocher qu'un seul défaut à la fois. Lui
en découvrir plusieurs serait le décourager.
Et si l'enfant s'oublie, les parents l'avertiront d'abord
fort charitablement. Après quelques avertissements, si l'enfant retombe encore,
ils mettront plus de fermeté dans les réprimandes, sans jamais se permettre des
reproches hautains, ni des moqueries humiliantes, ni de lâches plaisanteries, ni
de termes injurieux. Il n'est jamais bon de reprendre et de
corriger sur le moment. Si l'enfant s'aperçoit que ses parents agissent par
émotion et par manque de maîtrise de soi, il ne croira plus à leur autorité.
Si l'enfant est repris dans son premier mouvement, il n'a
pas assez réfléchi pour avouer sa faute et pour réaliser l'importance de cet
avis. Il vaut mieux observer un délai, de plusieurs jours s'il le faut, pour
placer une correction bien raisonnable et pondérée.
Il est plus facile de s'irriter que de patienter; mais le
but n'est pas atteint. Il y a des parents qui ont toujours la main levée sur
leurs enfants, et souvent pour des bagatelles très innocentes. Paradoxalement,
ces mêmes parents laissent souvent passer inaperçues les fautes les plus graves
contre le respect dû à l'autorité.
Pour que l'enfant craigne la honte et les châtiments, il
ne faut pas l'y accoutumer, et il faut conserver ces moyens de correction pour
les fautes très graves. Cependant, toujours réprimander et toujours menacer sans
châtier, rendrait les réprimandes et les menaces inutiles.
La punition proprement dite ressemble à certains remèdes
que l'on compose de quelques poisons: il ne faut s'en servir qu'à l'extrémité,
et avec beaucoup de précautions.
Dans les châtiments, la peine doit être aussi légère que
possible, proportionnée à la faute, mais accompagnée de toutes les circonstances
qui peuvent donner à l'enfant la honte et le remords de sa faute.
Par exemple, lui montrer tout ce qu'il aurait pu faire
pour éviter d'en arriver là, et du même coup lui inspirer une profonde
affliction et le désir de ne plus recommencer.
Les parents diminueront les marques d'affections jusqu'à
ce qu'il ait besoin de consolation. Ils rendront la punition publique ou
secrète, selon ce qui sera bénéfique à l'enfant.
Les parents feront en sorte que l'enfant se condamne
lui-même et qu'il s'exécute de bonne grâce. Les parents n'auront plus qu'à
adoucir la peine qu'il aura acceptée.
On déconseille fortement de recourir à la punition
corporelle. Mais, sans devoir infliger des coups, les parents peuvent toucher la
fibre sensible de leur enfant par des privations dans certaines friandises, dans
les sorties, dans les loisirs et les jeux... D'ailleurs, il n'est pas rare que
les enfants eux-mêmes choisissent ces punitions volontairement.
Dans la correction on doit toujours trouver l'amour, mais
non un amour faible; qu'il y ait de la sévérité, mais non une sévérité
désespérante, afin que, mêlant la justice et la clémence, les parents qui sont
obligés de corriger, versent la confiance et la crainte dans le cœur de ceux
qu'ils reprennent.
Il faut qu'ils se fassent obéir par la sévérité et aimer
par la douceur. Leur fermeté doit inspirer le respect, et leur bonté leur
conciliera la confiance.
Parfois un mot, un coup d'œil de la part des parents
suffit pour rappeler leurs enfants à leurs devoirs quand ils s'en écartent; mais
l'emprise qu'ils ont sur eux est doux et aimable, parce qu'il est l'effet de la
vertu plus encore que de l'autorité parentale.
Ce n'est pas assez que leurs enfants avouent ingénument
leurs fautes lorsqu'ils sont interrogés; les parents aiment que, sans attendre
qu'on leur en parle, ils s'en accusent eux-mêmes par habitude d'un humble
repentir.
Les
parents leur font connaître la nature de leur faute, et leur disent qu'il faut
satisfaire à la justice divine en ce monde ou en l'autre, que la peine qu'on
souffre volontairement en cette vie a une grande efficacité pour attirer la
miséricorde de Dieu; ils leur inspirent aussi de l'horreur pour la faute qu'ils
ont commise et les amènent à en souhaiter un moyen de faire réparation.
Des enfants réprimandés à-propos, loin de résister à la punition qui leur était
destinée, avouent sans peine qu'ils l'avaient méritée, la demandent volontiers,
et, après avoir reçu la punition, ils remercient leurs parents de la charité
qu'ils leur ont témoigné en les corrigeant.
En notre époque complètement athée, les parents chrétiens
doivent se construire une bulle solide pour vivre de tels moments avec leurs
enfants. Mieux qu'une Assurance-vie, la grâce du Sacrement du Mariage couvre
tous les membres de la famille pour les aider à mener le grand combat qui
conduit à leur salut éternel.
Les œuvres ont leur langage et leur muette éloquence; pour
instruire avec autorité, il faut faire ce qu'on enseigne aux autres, car on ne
croit pas à celui dont les actes contredisent les paroles. "Il faut que les
bottines suivent les babines".
L'homme est essentiellement imitateur; il est porté à
prendre les habitudes, bonnes ou mauvaises, de ceux qu'il fréquente, et même, il
est plus enclin à imiter le vice que la vertu. Les enfants
sont enclins à imiter tout ce qu'ils voient; ils n'ont point encore d'habitudes
qui leur rendent l'imitation d'autrui difficile... C'est pourquoi il est capital
de ne leur offrir que de bons modèles.
L'enfant fait ce qu'il voit faire, il retrace fidèlement
la conduite de ceux qu'il a sous les yeux, et surtout celle de ses parents.
Le Seigneur lance les menaces les plus terribles contre
ceux qui scandalisent un enfant. "Gardez-vous de pécher devant un enfant, car
on vous demandera compte de sa perte." (Gen., XLII, 22)
Malheur
à ces pères, à ces mères qui ravissent l'innocence à leurs enfants en commettant
le péché devant eux ! Plusieurs de ces malheureux parents ne prévoient pas les
suites de leur conduite, et ils ne comprennent pas tout le mal qu'ils font; mais
ils devraient le comprendre et le prévoir.
Donc, les parents fidèles à la foi chrétienne, donnent à
leurs enfants des exemples qui sont pour eux une source de progrès dans la
vertu. Par là même, les parents contractent une sorte d'obligation de devenir
vertueux, car les vices des parents sont un héritage qu'ils transmettent aux
enfants; c'est là une vérité incontestable.
Les parents fortifient par leurs exemples les
recommandations qu'ils adressent à leurs enfants. Les vertus que les parents
pratiquent à toute heure, en présence de leurs enfants, s'impriment dans leur
esprit et dans leur cœur.
Dès leur enfance, les enfants regardent leurs parents
comme des modèles à imiter, et l'admiration qu'ils ont pour eux leur fait
observer fidèlement leurs consignes et suivre en tout leurs bons exemples.
Plus tard dans la vie, malgré toutes les pressions
sociales et les nombreuses contestations qu'on entend partout, il ne reste pas
moins certain que les enfants ne pourront jamais oublier l'exemple de leurs
parents. Ce sera pour eux comme un phare dans une mer déchaînée.
Bien des parents se font illusion sur l'étendue de
l'obligation qui leur est imposée de donner le bon exemple à leurs enfants;
certains pensent l'avoir suffisamment remplie, parce que leur vie est exempte de
certains désordres, de certains vices grossiers que le monde lui-même n'approuve
pas. C'est là une grande erreur.
Les
parents se rendent gravement coupables devant Dieu toutes les fois qu'en
présence des enfants, ils commettent une faute sérieuse. Par conséquent, ils
doivent veiller à ce qu'il n'y ait rien dans leurs actions ni dans leurs paroles
qui soit contre les lois de Dieu et de l'Église.
Donc, devant les enfants, pas de blasphèmes. De nos jours,
les femmes autant que les hommes se permettent de maudire le nom béni de Celui
devant lequel tout genou devrait fléchir. Très vite, les enfants contractent
cette déplorable habitude. Il ne faut jamais non plus permettre qu'on profère,
en leur présence, des railleries contre la religion.
Chaque famille a ses ennemis, et bien souvent on oublie le
précepte qui commande: Aimez vos ennemis, et faites du bien à ceux qui vous
haïssent. Les parents ne se permettront jamais de parler avec haine, devant
les enfants, de ceux qui leur auraient fait subir des injures ou des dommages.
Les parents désireux d'offrir une bonne éducation à leurs
enfants, éviteront de participer aux fêtes populaires qui ne respectent pas les
bonnes mœurs, car il ne faut pas s'attendre à ce que les enfants regardent comme
dangereux ce dont les parents parlent sans cesse avec éloge.
Les parents ne doivent pas craindre de parler des défauts
qui sont visibles en eux et des fautes qui leur auront échappé devant l'enfant.
Ils lui expliqueront qu'ils doivent eux aussi se corriger de leurs défauts. Par
là, les parents tireront de leurs imperfections, une invitation à s'améliorer
mutuellement avec humilité.
Parmi toutes les précautions que les parents prennent pour
écarter leurs enfants de tous les mauvais exemples, il faudra montrer à l'enfant
comment déceler le danger des mauvais exemples, en regardant les qualités et les
défauts des personnes avec lesquelles ils sont en contact. Il importe toutefois,
en leur parlant des imperfections du prochain, de toujours excuser les
intentions.
C'est un discernement indispensable mais pas toujours
facile à faire.
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