sommaire_general
|
Millénarisme
et espérance chrétienne (3)
|
Page
1
2 3
L’INTERPRéTATION
DE L’EXéGèSE CATHOLIQUE
Une prophétie, par sa nature, n’est habituellement
bien comprise qu’après sa réalisation. Si l’Église
ne s’est pas prononcée sur tous les passages des
Saintes écritures, elle a cependant endossé les
conclusions d’exégètes sur nombre d’entre eux. Il
n’entre pas dans les limites du présent écrit de
détailler l’entière interprétation de l’Apocalypse
acceptée par le Magistère. Citons-en seulement
quelques points parmi d’autres.
– L’exégèse catholique s’entend à dire que le
‟millenium” de règne du Christ sur la terre,
concerne la vie de l’Église Catholique. Par sa
Passion, le Sauveur a déjà vaincu Satan, qui a été
enchaîné temporairement, comme en sursis de
l’exécution de sa sentence, le temps que Dieu
répande Son Royaume par toute la terre, à travers
l’expansion de l’Église. Jésus l’a déclaré à maintes
reprises: le Royaume de Dieu est
déjà parmi vous… ‟Si je chasse les démons par le
doigt de Dieu, c'est que le Royaume est arrivé…”
(Mt 12, 28). Il l’est en germe, en attendant
de se déployer dans sa plénitude après le Jugement
général. Mais ce Royaume ‟n’est pas de ce monde”,
il n’est pas à l’image des royaumes imparfaits de la
terre; il est avant tout spirituel; cependant, il
est réel. L’Église n’a-t-elle pas institué la fête
du Christ-Roi? Un roi n’est-il pas à la tête d’un
royaume? Je rajouterais: on peut dire que, déjà sur
cette terre, le Christ règne corporellement sur son
Royaume, car Il est physiquement présent parmi nous
dans tous les tabernacles du monde; on oublie trop
souvent cette Présence bien réelle, quoique voilée à
nos regards. Mais tout comme il déplaisait aux Juifs
de considérer comme Messie un homme d’apparence
ordinaire, ainsi, trop souvent, un Roi qui a les
apparences du pain et du vin ne nous semble pas
assez ‟royal” pour être le Christ régnant de
l’Apocalypse… C’est là où la Foi doit entrer en
action…
– Au bout de ce millénium, Satan sera relâché pour
un peu de temps, le temps du règne et de la défaite
définitive de l’Antéchrist et du mal dans le monde.
– Le chiffre 1000, dans le symbolisme biblique,
signifie: un très long temps, indéfini, le temps
parfait. Les 1000 ans du Règne du Christ sur la
terre sont donc la longue période de temps que Dieu
aura jugé parfaite pour sauver le plus d’âmes
possible, avant la fin du monde.
– On objectera que le règne actuel de l’Église est
loin d’être un règne s’écoulant dans un climat de
paix… C’est que nous imaginons difficilement ce que
pourrait être notre monde si Satan était relâché
avec tous pouvoirs… La lecture attentive de
l’apocalypse de saint Jean nous fait comprendre que
la paix promise durant ce millénium est
relative. En effet, il y est
mentionné que vers la fin, Gog et Magog se lèveront
des quatre coins de la terre: c’est donc qu’ils
préparaient déjà, durant le règne ‟millénaire” du
Christ, leur action subversive. Saint Augustin, dans
la ‟Cité de Dieu” ne reconnaît pas, dans ces
deux noms, la désignation de nations proprement
dites, ni de deux personnes, puisqu’ils se lèveront
‟des quatre coins de la terre”. Il faut donc prendre
ces mots dans leur désignation mystique:
Gog, qui veut dire tectum
(signifiant: ce qui recouvre, ou ce
qui se cache) désigne, selon lui, les hommes
sensuels, grossiers, qui, motivés par le démon, lui
servent de couverture pour attaquer et persécuter
l’Église. Magog, au
contraire, signifie de tecto (ce qui sort
de sous un couvert) et représente le démon
lui-même et tous les ennemis secrets du Christ, qui
cachés jusqu’alors et agissant en dessous, jetteront
le masque et attaqueront à découvert.
– La première résurrection dont il est fait mention
dans l’Apocalypse de St Jean désigne la vie de la
grâce dans l’âme fidèle. La seconde résurrection,
elle, concerne la résurrection des corps qui aura
lieu au Jugement dernier. Du même souffle, l’exégèse
catholique explique que les ‟saints” régnant avec le
Christ durant ce millénaire, ce sont les âmes (des
saints), et non des morts ressuscités. Ceci n’est
pas sans nous rappeler cette phrase de la Petite
Thérèse avant son décès: ‟Je passerai mon Ciel à
faire du bien sur la terre”.
– Un des signes donnés par Jésus, précédant son
retour, c’est la conversion des Juifs au
Catholicisme: ‟La venue du Messie glorieux est
suspendue, à tout moment de l’histoire, à sa
reconnaissance par "tout Israël" dont "une partie
s’est endurcie dans l’incrédulité" envers Jésus(…)”
(Catéchisme de l’Église catholique, #674)
MAIS, LES RéVéLATIONS PRIVéES?
Pour se mettre dans la bonne perspective, il faut
garder à l’esprit la vérité suivante: aucune
révélation privée, même approuvée par l’Église, ne
peut se placer au-dessus de l’enseignement de
l’Église et de l’évangile. En ce qui concerne les
révélations déjà approuvées par l’Église, puisqu’il
ne s’y trouve rien qui soit en contradiction avec la
Foi Catholique (c’est là la raison principale de
leur approbation par l’Église), il est toujours
possible de lire ces messages (même lorsqu’ils ont
un contenu eschatologique), en harmonie avec
l’enseignement du Magistère.
Pour les autres messages, il faut être d’une grande
prudence et effectuer un sage discernement. Cela ne
signifie pas: s’enfuir à toutes jambes dès qu’on y
retrouve les mots ‟retour du Christ” ou
‟ère de paix” ! Un tel rejet sans examen
consisterait à ‟jeter le bébé avec l’eau du bain”…
Il faut plutôt vérifier si ces messages peuvent être
lus dans la perspective de l’enseignement de
l’Église.
Parfois, dans le langage mystique, des images
‟fortes” ou hautement symboliques peuvent être
employées sans qu’il faille les prendre au pied de
la lettre. Par exemple, des expressions comme
‟bientôt” et ‟imminent” doivent être comprises avec
modération: le ‟bientôt” du langage de Dieu
(pour qui tout est présent) n’a pas toujours la même
longueur que le nôtre ! Le contexte d’un vrai
message lui permet toujours d’être interprété dans
le sens du Magistère.
Mais si les mots employés et/ou le contexte du
message ne permettent pas de les comprendre
conformément à l’enseignement ordinaire de l’Église,
ou s’ils nous troublent, il faut avoir le courage de
les laisser là et de porter notre attention sur
d’autres écrits plus sûrs. Dieu, étant la Vérité
même, ne peut être l’auteur d’une révélation
contredisant Sa Parole sainte conservée et diffusée
par Sa Sainte Église.
D’autre part, la venue d’une période de paix plus
intense n’apparaît pas comme contradictoire avec
l’exégèse catholique. En effet, le Catéchisme de
l’Église Catholique nous enseigne que…
‟…Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un
triomphe historique de l’Église selon un progrès
ascendant, mais par une victoire de Dieu sur le
déchaînement ultime du mal…” (#677)
Si ce progrès n’est pas ascendant, c’est donc,
semble-t-il, qu’il connaît des hauts et des bas.
Sachant cela il est permis d’espérer, malgré les
bien sombres apparences actuelles, que les êtres
humains, avec l’aide de la grâce, puissent un jour
en arriver à faire plus de place à la paix dans le
monde.
Cette possible période de paix (que certains saints
auraient prédit comme étant relativement courte,
environ 25-30 ans) ne doit cependant pas être perçue
comme ‟magique” (du genre: tous les humains
reviendront à l’âge de 33 ans et ne mourront pas...),
ni comme empreinte de millénarisme (le retour
corporel du Christ ainsi que la glorification du
cosmos n’auront lieu qu’au Jugement dernier), ni
comme ‟absolue” (plus de péchés du tout) car une
telle paix ne sera possible qu’au Ciel; sur la
terre, nous sommes tous sujets aux suites du péché
originel, et il en sera ainsi jusqu’à la fin du
monde.
"La
paix chrétienne signifie
davantage que l'absence de
guerre: elle consiste avant tout
en cette capacité active de
régler les conflits potentiels
avec bonne volonté, justice,
charité, et pacifiquement." |
|
La paix du monde consiste en l’aplatissement
servile devant le plus fort. La paix chrétienne,
elle, signifie davantage que l'absence de guerre:
elle consiste avant tout en cette capacité active de
régler les conflits potentiels avec bonne volonté,
justice, charité, et pacifiquement.
Il est également important de comprendre qu’une
période de paix ne veut pas dire ‟Loi divine
nouvelle”, car depuis la première venue de Jésus,
nous sommes sous la Loi de ‟ l’Alliance nouvelle et
éternelle”: il n’y en aura
pas d’autres jusqu’à la fin du monde, ni d’autre
Révélation destinée à être crue ‟de Foi” par le
monde entier. Avec l’Apocalypse, la Révélation
publique est close.
à Fatima, la Vierge Marie a déclaré: ‟Si l’on
fait ce que je demande, beaucoup d'âmes se
convertiront et le monde connaîtra la paix.” Le
tout est de savoir: fait-on vraiment
ce qu’Elle a demandé?... La paix est le fruit de la
charité, c’est-à-dire de l’amour que nous
avons pour Dieu et pour les hommes.
où VA NOTRE ESPéRANCE?
En prenant conscience du mirage
que constitue en fait le ‟millenium” sur terre, tel
que promis par nombre d’auteurs et de personnes se
disant ‟inspirées du Ciel”, nous pourrions sentir un
vide dans notre espérance, une certaine frustration
de voir un bonheur nous échapper… et considérer la
vision de l’Église (touchant l’interprétation des
prophéties bibliques eschatologiques) comme étant
‟réductrice”… Réflexe premier de l’humain qui est
porté à désirer le bonheur qu’il connaît: temporel,
terrestre. Mais Dieu nous offre ce que ‟l’œil de
l'homme n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas
entendu...” (1 Cor, 2,9): du glorieux et de
l’infini. N’allons donc pas persister dans ce
premier réflexe, et faire l’affront à Dieu de
considérer comme ‟trop peu et trop tôt” le bonheur
éternel qu’Il promet aux âmes de bonne volonté ! Que
désirons-nous vraiment? être heureux. Infiniment
heureux. Qui le désire, pour nous, plus que
nous-mêmes? Celui qui nous a créés avec ce désir:
Dieu Lui-même. Lui seul sait mieux
que nous ce qui nous rendra heureux pleinement,
ce qui est bon pour nous.
Si, par impossible, on offrait aux saints du Ciel le
choix de revenir vivre sur la terre pendant mille
ans de paix, même au Paradis terrestre, mais sans la
vision béatifique(11),
ceux-ci déclineraient cette proposition, car leur
bonheur serait moins grand qu’au Ciel.
Ce que Dieu nous offre, c’est d’abord le bonheur
infini, inimaginable de l’éternité en Sa compagnie,
face à face, dans un océan d'Amour,
sans crainte d’un retour du Mal dans notre vie.
C’est aussi la joie de contempler l’Humanité de
Jésus, et celle de Marie dé jà au Ciel, de côtoyer
tous les autres saints dont nos proches retrouvés,
et les anges. De plus, au Jugement dernier et à la
Résurrection générale, nous vivrons le bonheur de
voir glorifiés, aux yeux de tous, tous les attributs
de Dieu, toutes ses bontés envers nous et l’univers,
Sa Miséricorde, Sa Justice… Jésus-Christ recevra
enfin l’honneur public dont les pécheurs l’auront
privé.
Cette terre, qui fut trop souvent le siège de procès
contre Dieu par les hommes mauvais, verra le Mal et
de ses acolytes être jugés et condamnés aux yeux de
tous: l'enfer se refermera sur eux à jamais et la
justice sera rétablie à la face de l’univers.
Nous (qui, souhaitons-le, serons du nombre des
saints) verrons nos corps revenir à la vie: nous
serons resplendissants de lumière, de beauté, légers
et rapides comme l’éclair, ‟bien dans notre peau”
comme jamais sur la terre même au temps de notre
meilleure santé et jeunesse, pourvus d’un corps
complet et parfait, doués d’une intelligence sans
failles.
Pour ceux qui seront encore vivants au Jour de ces
événements, Jésus sera toujours le ‟Dieu de
Providence” que nous connaissons: Il leur réservera
une protection toute spéciale en les élevant vers
Lui dans une nuée, pour aller à Sa rencontre. Nous
verrons les cieux et la terre être renouvelés,
éclater de beauté, de couleurs, adaptés à nos corps
glorieux, pour notre plus grande joie et la plus
grande gloire de Dieu. Dieu régnera, en plénitude
‟sur la terre comme au Ciel” ! De pleurs, de
souffrances, de mort, de discorde, de guerres, de
péché… il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en
sera allé. Dieu aura le dernier mot.
Ceci n’est pas une vue réductrice, mais bien un
Plan d’Amour magnifique que Dieu seul pouvait
inventer pour nous ! Et plus l’histoire de
l’humanité avance, plus cette réalité se rapproche.
Voilà pourquoi, à la suite de l’Église, et avec
elle, nous ne devons cesser de redire, pleins d’une
joyeuse espérance comme l’évangéliste saint Jean:
“Amen.
Reviens Seigneur Jésus !”
Ce texte a été vérifié
par l’Abbé J.-R. Bleau
et le Père Christian Paillé C.Ss.R.
__________________________
(11)
Vision béatifique: la vue de Dieu directement, face
à face, tel qu'Il est.
__________________________
Bibliographie:
- La Sainte Bible
- Catéchisme de
l’Église Catholique
- Dictionnaire
de la Bible, tome 4, par le P. F. Vigouroux,
éditions Letouzey et Ané, 1912.
- Dictionnaire
de la Bible, supplément, tome 5, par H.
Cazelles, Edit. Letouzey et Ané, 1957.
- Dictionnaire
des miracles et de l’extraordinaire chrétiens,
par Patrick Sbalchiero, préface de Mgr René
Laurentin, Fayard 2002.
- Dictionnaire
de culture religieuse et catéchistique, par le
chanoine L.-E. Marcel, Editions Servir, 1949.
- Saint Jean
L’Apocalypse, étude biblique, par Père E.-B.
Allo o.p., Editeur J. Gabalda, 1921.
- Le sens
mystique de l’Apocalypse, commentaire textuel
d’après la Tradition des Pères de l’Église, par Dom
Jean de Monléon osb, Nouvelles éditions Latines,
1984.
- Le Christ dans
l’Apocalypse, par J. Comblin, Desclée, 1965.
- Apologétique,
livres II et III, par le chanoine Eugène Duplessy,
Maison de la Bonne Presse, 1927.
- Initiation
théologique, tome III, par un groupe de
théologiens, Editions du Cerf 1963, avec imprimatur.
- La doctrine
catholique, par le chanoine A. Boulenger,
Librairie catholique E. Vitte, 1927.
Page
1
2 3
|
-
MENU DE LA RUBRIQUE "ENSEIGNEMENTS" -
www.revueenroute.jeminforme.org
Site produit par la revue "En Route".
Autorisation de diffuser ce document, avec mention de la source.
|
|