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Millénarisme
et espérance chrétienne (1)
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Depuis
quelques décennies, des prédictions
affluent, de plus en plus nombreuses, pour
annoncer l’imminence d’une
ère
nouvelle et du retour du Christ.
Dans tout ce
foisonnement d’informations parfois très
fantastiques, comment discerner le vrai du
faux? Je me suis tournée vers la seule
référence sûre: la Bible et les
enseignements de la Sainte Église
Catholique, ce qui m’a mise sur la piste
d’une théorie ancienne mais qui refait
surface plus que jamais: le ‟millénarismeˮ.
J’ai appris que le Christ en gloire
reviendra bel et bien sur la terre, mais pas
tout à fait comme nous l’imaginons trop
souvent… En toute simplicité, je vous
partage les résultats d’une recherche dont
les conclusions sont porteuses de grande
espérance.
Marie Chantal
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QU’EST-CE QUE LE MILLéNARISME?
Le millénarisme, ou ‟chiliasme”, est une théorie
ayant pour objet le règne temporel du Christ sur la
terre. D’après les millénaristes, environ mille ans
avant le jugement dernier, le Christ viendrait sur
la terre, vaincrait ses ennemis, inaugurerait le
règne annoncé par les prophéties. Alors aurait lieu
la résurrection des saints (certains précisent: des
martyrs), ou ‟première résurrection”. à leur tête,
le Christ gouvernerait glorieusement le monde
pendant mille ans, au bout desquels se produirait la
résurrection des méchants (ou de tous les ‟non
encore ressuscités”, bons et méchants), ce qui
serait la seconde résurrection, suivie du jugement
universel. Certains placent après ce règne de mille
ans le relâchement de Satan dans le monde, la venue
de l’Antéchrist et sa défaite définitive.
Cette théorie millénariste s’est divisée en deux
formes principales: le millénarisme dit ‟charnel”,
et qui promettait aux saints ressuscités tous les
plaisirs des sens, même les plus grossiers; et le
millénarisme ‟spirituel” (appelé aujourd’hui
‟mitigé”) qui ne promettait que la justice et la
paix, durant ce millénium. Cependant, parmi les
tenants de cette dernière forme, certains croyaient
que les saints engendreraient, pendant ces mille
ans, une multitude d’enfants de grâce et de
bénédiction.
SES ORIGINES
C'est surtout à travers le milieu juif que cette
théorie est parvenue jusqu’à nous, naissant de
l’interprétation littérale des anciens prophètes, à
propos du règne du Messie promis. Ainsi, de nombreux
Juifs en sont venus à croire que le règne
messianique s’inaugurerait par la restauration
magnifique et surnaturelle de Jérusalem et de l’état
israélite, qui dominerait, politiquement et
religieusement, sur toute la terre. Dès le 2e
siècle avant Jésus-Christ, se fait donc jour l’idée
du ‟millénaire”, qu’on peut aussi appeler ‟règne
intermédiaire” puisqu’il consisterait en une période
de temps précédant l’entrée dans le Ciel, au cours
de laquelle la vraie Jérusalem (souvent plus ou
moins identifiée ou combinée avec le Paradis
terrestre), tenue en réserve au Ciel, descendrait
sur terre.
Déçus dans leurs espérances d’indépendance, de
prospérité et de domination nationales, plusieurs
Juifs ont donc vu, dans cet te théorie, une
consolation et l’espérance d’un avenir plus conforme
à leurs désirs. On comprendra aussi que la venue
d’un Messie pauvre, humble, sans nulle trace de
puissance temporelle, et mis à mort par surcroît,
ait été, pour un grand nombre de ses compatriotes,
un non-sens, une preuve que Jésus n’était pas le
Sauveur attendu. L’idée du ‟règne intermédiaire” se
trouve aussi dans d’autres écrits, juifs ou non,
avec ou sans Messie.
Du côté des Chrétiens, le millénarisme a pris
une couleur différente. Aux débuts de l’Église,
certains d’entre eux, plus ou moins encore sous
l’influence des Juifs millénaristes, ont compris
dans le même sens ce que le Christ avait dit du
règne de Dieu et de l’Avènement du Fils de l’Homme.
Une interprétation trop littérale de l’Apocalypse de
saint Jean (en particulier du XXe
chapitre) fut la base principale de ces erreurs. De
nombreux saints furent victimes de cette mauvaise
compréhension des écritures, du moins jusqu’à ce que
l’Église se prononce sur la question.
Un acteur important de la propagation d’une
sorte de semi-millénarisme fut le Père Joachim de
Flore (1130-1202) qui soutenait avoir reçu une
‟illumination” lui annonçant qu’en 1200 ou 1260
allait débuter le ‟troisième règne” (ou ‟règne du
Saint-Esprit”), sorte d’état paradisiaque
(libération des pesanteurs terrestres et abolition
du mal) devant se situer entre les guerres des
derniers temps et le Jugement dernier. Il propageait
par là une théorie déjà émise par un Bénédictin
allemand, qui divisait l’Histoire en 3 âges,
correspondant aux Personnes de la Sainte Trinité.(1)
Cette affirmation a trouvé écho, par la suite, chez
plusieurs leaders théosophes(2)
qui cherchèrent à découvrir le sens ésotérique de
l’Apocalypse…
Autant chez les Juifs que chez les Chrétiens
millénaristes, la durée de ce règne temporel du
Christ sur la terre fut l’objet de diverses
opinions. Suivant certaines données puisées dans les
Saintes écritures, les uns en déduisaient que ce
règne durerait 400 ans, les autres 30, 40, 70 ans et
jusqu’à 365 000 ans, ou encore ‟trois générations”.
Il semble que les Chrétiens adeptes du millénarisme
se soient rangés, dans l’ensemble, au chiffre de
1000 ans ou ‟millénium” (d’après l’Apocalypse), d’où
le nom ‟millénarisme”.
De nos jours, le millénarisme est toujours
présent chez une partie des Juifs. Il s’est
également répandu, sous diverses formes et
variantes, dans des sectes comme les Témoins de
Jéhovah, les Mormons, et parfois même dans la
religion islamique. Dans les milieux ésotériques, on
prédit un ‟âge d’Or”
(3)
sans Dieu. C’est ainsi que le ‟Nouvel-âge” attend un
gouvernement mondial et ‟l’Ère du Verseau”, qui doit
succéder à ‟l’Ère du Poisson” (nom donné à la
présente ère, celle du Christianisme, considéré
comme ‟dépassé” par le Nouvel-âge…). Les Adventistes
et d’autres branches de Protestants professent le
millénarisme, tout comme, malheureusement, certains
Catholiques.
UNE THéORIE CONTESTéE DèS LE DéBUT
Si le millénarisme charnel, proposé tout d’abord
avec l’hérésiarque Cérinthe, fit horreur à l’Église
dès le début et a été condamné, il n’en fut pas de
même pour le millénarisme spirituel ou mitigé, qui
conquit l’opinion favorable de plusieurs saints et
illustres personnages.
Parmi les chiliastes (ou millénaristes)
spirituels, on peut citer, de la fin du 1er
jusqu’au 4e
siècle, Lactance, Tertullien, et les saints Justin,
Irénée et Hippolyte. Cependant, cette théorie ne fit
jamais l’unanimité, de l’aveu même de saint Justin.
à l’exemple de saint Cyrille d’Alexandrie et
d’Eusèbe, saint Jérôme (à qui l’on doit la Vulgate,
traduction latine officielle de la Bible) a reconnu
dans l’Église Catholique la "Jérusalem nouvelle" des
prophètes, et il fut très ferme contre le
millénarisme, sans toutefois le condamner
absolument, à cause des saints et savants
personnages qui l’ont professé. Il reproche à ces
partisans leurs conceptions terrestres et judaïques;
il explique que les prophéties d’Isaïe ont pour
terme l’Église, et que l’Apocalypse doit être
entendue dans le même sens.
Avant lui (vers le 2e
siècle) Origène avait dénoncé le millénarisme, qu'il
réfutait avec des arguments bien à lui
(4)...
A la fin du 3e
siècle, saint Augustin prit la relève de ce combat,
tout en l’épurant de toute trace d’origénisme.
Augustin avait d’abord adhéré au millénarisme, mais
après avoir étudié plus à fond les Saintes
écritures, il s’aperçu de son erreur et s’engagea
avec ardeur à corriger la situation, notamment dans
son ouvrage "Cité de Dieu".
A partir de cette époque, l’autorité de saint
Augustin domina largement toute la réflexion
théologique sur le sujet. Plus tard, saint
Bonaventure se plaça en faux contre le chiliasme et
saint Thomas d’Aquin (dans son œuvre "De ultimo
fine") mit en garde contre l’attente d’un règne
millénaire. Notons que les saints Bonaventure,
Thomas d’Aquin, Jérôme et Augustin ont tous été
élevés au rang de "Docteurs de l’Église", ce qui
leur confère une autorité incontestable.
LA POSITION DE L’Église
Le millénarisme, autant "charnel" que "mitigé"
est tenu, par l’Église, comme incompatible, à tout
le moins, avec l’interprétation retenue par Elle,
des prophéties eschatologiques et de l’Apocalypse.
Sans le qualifier nommément d’hérésie, Elle a
cependant condamné le millénarisme par voies moins
drastiques :
• Au Concile d’éphèse (en
l’an 431), l’Église nomme déjà le millénarisme :
"les divagations, et les dogmes fabuleux du
malheureux Apollinaire" (Labbe, Coll. Concil.
II, 837). Notons qu’il s’agit d’Apollinaire le
Jeune, évêque de Laodicée, un millénariste, dont les
adeptes formèrent la secte des Apollinaristes.
• A la fin du 5e
siècle, le Décret (ou
Catalogue) de Gélase range
parmi les "apocryphes"
(5) à
peu près tous les millénaristes connus à l’époque :
Tertullien, Montan, Lactance, Nepos, etc. Un
"décret" est une décision de l’autorité
ecclésiastique.
• En 1944, un Décret du
Saint-Office statuait que :
"Le système du millénarisme même
mitigé – à savoir, qui enseigne que, selon la vérité
catholique, le Christ Seigneur, avant le jugement
final, viendra corporellement sur cette terre pour
régner, que la résurrection d’un certain nombre de
justes ait eu lieu, ou n’ait pas eu lieu – ne peut
être enseigné avec sûreté (tuto doceri non
posse)."
(6)
• Enfin, plus récemment, le
Catéchisme de l’Église Catholique a réaffirmé
avec force: "(…) :
même sous sa forme mitigée,
l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à
venir sous le nom de millénarisme, surtout
sous la forme politique d’un messianisme sécularisé,
"intrinsèquement perverse". (# 676)
Notons que le Catéchisme de l’Église Catholique,
qui rejette de façon très nette le millénarisme, a
été publié sous le pontificat du regretté pape
Jean-Paul II (maintenant "saint") qui a demandé et
approuvé personnellement cet
ouvrage; il est donc abusif de prêter à Jean-Paul II
une intention "millénariste" lorsqu’il appelait avec
optimisme à l’édification d’une "Civilisation de
l’Amour".
(7)
__________________________
(1)
L’Église condamna l’enseignement de l’abbé de Flore
après sa mort. Le synode d’Arles, en 1260, condamna
la théorie des 3 règnes.
(2)
La théosophie (ne pas confondre avec la "théologie")
est une école de pensée ésotérique.
(3)
Ne pas confondre l’âge d’Or promit par les tenants
de l’ésotérisme, avec les «Clubs de l’âge d’Or», qui
sont des groupements sociaux de personnes âgées, au
Québec.
(4)
Origène: prêtre et exégète. A combattu ardemment le
millénarisme mais, théologien parfois trop
aventureux, il erra sur d’autres points théologiques
(touchant l’éternité de l’enfer, la nature des corps
glorifiés, le moment de la création de l’âme
humaine, etc.), erreurs par la suite condamnées par
l’Église sous le nom de "origénisme".
(5)
Apocryphes: écrits dont on ne peut établir
l’inspiration divine, écrits douteux. Certains
apocryphes sont anodins, d’autres peuvent aller
jusqu’à comporter des erreurs graves.
(6)
Texte latin
original: "Quid sentiendum
de systemate millenarismi mitigati, docentis
scilicet Christum Dominum ante finale judicium, sive
praevia sive non praevia plurium justorum
resurrectione, visibiliter in hanc terram regnandi
causa esse venturum?
R.: Systema millenarismi mitigati tuto doceri non
posse. (Acta apost. Sedis, 1944, p.212)
(7)
On lira d’ailleurs avec profit la 1e
partie de sa «Lettre aux familles»
(1994) où il explique bien le sens donné cette
appellation «civilisation de l’amour».
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