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Les Divines Paroles
par le Rév. Père Auguste Saudreau, dominicain |
"DIEU JUSTICE"
(PARTIE 4b)
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Partie
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JUGEMENT D'UN DAMNÉ ET D'UN ÉLU
Sainte Brigitte voyait au jugement divin deux démons
d'un aspect très hideux. L'un dit au Juge:
«Donnez-moi pour épouse cette âme qui m'est
semblable.»
Le Juge lui dit:
«Quel droit y as-tu?»
Le démon répondit:
...«De quelle espèce est cette âme, à qui
est-elle semblable, aux anges ou aux démons?»...
Le Juge reprit:
« Bien que je sache toutes choses, cependant pour
l'amour de mon épouse ici présente, dis comment
cette âme est semblable à toi.»
Le démon dit:
« Je ne veux rien voir qui vous appartienne; elle
aussi n'a pas voulu voir, quand elle le pouvait, ce
qui concernait le salut de son âme, mais elle
s'amusait aux choses temporelles. Comme moi elle n'a
rien voulu entendre qui fût à votre honneur...Tout
ce qu'elle a pu prendre, elle l'a retenu et l'eût
gardé plus longtemps, si vous eussiez permis qu'elle
vécut davantage... ses désirs insatiables étaient
sans bornes, sa cupidité était telle que toute la
terre ne pouvait l'assouvir; telle est ma cupidité,
car si je pouvais perdre toutes les âmes du ciel, de
la terre et du purgatoire, je le ferais. Sa poitrine
est aussi froide que la mienne, car elle ne vous
aima jamais, ni ne prit goût à vos avertissements...
Dès le commencement de ma création, ma volonté s'est
tour née contre Vous, de même la volonté de cette
âme fut toujours contraire à vos commandements...
Donc puisque nous sommes semblables en tout,
jugez-nous et unissez-nous.»
Alors un ange pris la parole:
«Seigneur, depuis que cette âme fut unie à un corps
je la suivis toujours. Maintenant je la laisse comme
un sac vide de toutes sortes de biens. Elle jugeait
vos paroles à mensonge; elle croyait que votre
jugement était faux, el le prenait votre miséricorde
pour néant. Il est vrai, elle fut fidèle dans le
mariage, mais par affection à celle à qui elle était
unie; elle allait à la messe, mais pour ne pas être
rejetée par les chrétiens, et aussi pour obtenir la
santé et pour conserver les richesses et les
honneurs du monde. Or, Seigneur, vous lui avez donné
plus que ne méritaient ses services; vous lui avez
donné des enfants, la santé, la richesse, et vous
lui avez épargné les infortunes qu'elle redoutait...
Vous lui avez donné cent pour un; tout ce qu'elle a
fait a été récompensé. Je la quitte maintenant, vide
de toutes sortes de biens.»
Le démon parla à son tour:
«Ô Juge, puisqu'elle a suivi mes volontés, jugez
qu'elle me soit unie...»
Le Juge dit:
«Que l'âme dise ce qu'il lui semble de votre mariage
avec elle.»
Elle dit au Juge:
«J'aime mieux être dans les peines de l'enfer que de
venir dans les joies du ciel, afin que Vous, ô Dieu,
vous n'ayez en moi aucune consolation. Vous m'êtes
tant à haine que je ne me soucie point de mes
peines, pourvu que vous n'ayez aucune joie de moi.»
Et le démon reprit:
«J'ai les mêmes sentiments; j'aime mieux être
éternellement tourmenté que de jouir de votre
gloire, si vous devez avoir de là quelque
contentement.»
Alors le Juge s'étant tourné vers moi, Brigitte, qui
voyait tout ceci, me dit:
«Malheur à cette âme! Elle est pire que le larron;
elle a eu son âme vénale; elle a été insatiable des
immondices de la chair; elle a trompé son prochain;
c'est pourquoi tous crient vengeance contre elle;
les anges détournent leur face, les saints fuient sa
compagnie.»
Puis s'adressant au démon, le Juge lui dit:
«Si vous vous humiliiez, je vous donnerais la
gloire; si cette âme eût demandé pardon avec
résolution de s'amender au dernier moment de sa vie,
jamais elle ne fut tombée entre tes mains; mais
parce qu'elle a persévéré jusqu'à la fin en ton
obéissance, la justice veut qu'elle soit
éternellement avec toi. Néanmoins les biens qu'elle
a faits en sa vie, s'il y en a quelqu'un,
restreindront ta malice et t'empêcheront de la
tourmenter autant que tu veux.»
Comme le diable semblait se réjouir grandement, le
Juge lui dit:
«Pourquoi te réjouis-tu tant de la perte d'une âme?
Dis-le, de sorte que mon épouse, ici présente,
l'entende.»
Le démon dit:
«Quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment;
plus je la tourmente, plus je suis tourmenté. Mais
parce que Vous l'avez rachetée de votre sang, que
vous l'avez tellement aimée que vous vous êtes donné
à elle, lorsque par mes suggestions je puis vous
l'arracher, je me réjouis.»
Le Juge lui dit::
«Ta malice est grande. Mais regarde, je le permets.»
Et voici qu'une étoile montait au plus haut des
cieux, et le démon la voyant devint muet. C'était
l'âme du Frère Algotte, prieur et docteur en
théologie, qui ayant été trois ans aveugle et
tourmenté de la pierre, finit ses jours
heureusement.
Notre-Seigneur dit au démon:
«À qui est-elle semblable?»
Le démon répondit:
«Elle est plus brillante que le soleil, comme je
suis plus noir que la fumée; elle est toute pleine
de douceurs et jouit de l'amour divin et moi je suis
plein de malice et d'amertume.»
Notre-Seigneur lui dit:
«Quel les pensées en as-tu dans ton cœur et
qu'est-ce que tu voudrais donner pour qu'elle fût en
ta puissance?»
Le démon répondit:
«Je donnerais toutes les âmes qui sont descendues en
enfer depuis Adam jusqu'à maintenant pour avoir
celle-là et je voudrais endurer les peines les plus
dures, comme si on me donnait tant de coups de
poignards qu'il ne restât pas sur moi l'espace de la
pointe d'une aiguille.»
Notre-Seigneur reprit:
«Ta fureur est grande contre moi et contre mes élus,
et moi je suis si charitable que, s'il en était
besoin, je mourrais encore, et j'endurerais pour
chaque âme et pour chacun des esprits immondes le
même supplice que j'ai enduré une fois sur la croix
pour toutes les âmes.»
Puis Il dit à cette âme qu'on voyait comme une
étoile:
«Viens, ma bien-aimée, jouir des contentements
indicibles que tu as tant désirés; viens à la
douceur qui ne finira jamais; viens à ton Dieu et
Seigneur que tu as tant de fois appelé de tes
désirs. Je me donnerai à toi moi-même, moi en qui
sont tous les biens et toutes les douceurs.»
Alors Notre-Seigneur se tournant vers moi, Brigitte,
qui voyais tout cela en esprit, me dit:
«Ma fille, tout ceci a été fait en un instant, mais
parce que tu ne peux entendre les choses
spirituelles que par des similitudes, j'ai voulu te
les montrer ainsi, afin que l'homme comprenne
combien je suis rigoureux aux méchants et combien
débonnaire aux bons.»
(Liv. VI, ch. XXXI)
JUGEMENT, PURIFICATION ET DÉLIVRANCE
de l'âme d'un soldat
On lit dans les révélations de sainte Brigitte:
Un démon apparut au jugement divin, qui tenait l'âme
d'un défunt toute tremblante.
«Voici de la proie,
dit-il au Juge, votre ange et moi avons suivi
cette âme depuis sa naissance jusqu'à la fin de ses
jours, lui pour la sauver, moi pour la perdre. Elle
est à la fin tombée dans mes mains, mais votre
justice ne s'est pas prononcée; c'est pourquoi je ne
la possède pas avec assurance. Je la désire avec
autant d'ardeur qu'un animal affamé et si tourmenté
par la faim qu'il mange ses membres. Pourquoi
est-elle tombée en mes mains plutôt qu'en celles de
son ange?»
– Le juge répondit:
«Par ce que ses péchés sont en plus grand nombre
que ses bonnes œuvres.»
Le démon dit:
«J'ai un livre tout plein de ses péchés. Le nom
de ce livre est Désobéissance. En ce livre sont sept
livres et chacun a trois colonnes, et chaque colonne
n'a pas moins de mille paroles et souvent plus.»
Puis sur l'ordre du Juge, le démon énuméra en
détail les péchés d'orgueil, de cupidité, d'envie,
d'avarice, de paresse, de colère et de volupté
commis par le défunt. Quand il eut fini son
accusation, la Mère de Miséricorde s'approcha, et
invitée par son divin Fils à parler, elle dit au
démon:
«Sais-tu toutes les pensées des hommes?»
– «Non,
répondit le diable, je ne connais que celles
qui se manifestent par les œuvres extérieures et ce
que je puis en conjecturer.»
– La Sainte Vierge reprit:
«Qu'est-ce qui peut effacer les écrits de ton
livre?»
– «Une seule chose, qui est la charité;
quiconque l'obtient, soudain l'écriture de mon livre
est effacée.»
– «Dis-moi,
poursuivit Marie, quelqu'un peut-il être si
méchant et si corrompu qu'il ne puisse venir à
résipiscence (au
regret) pendant qu'il vit?»
– «Il n'y a personne,
répondit le démon,
qui, s'il le veut, ne le puisse avec la
grâce; quand un pécheur, quel qu'il soit, change sa
mauvaise volonté en une bonne, tous les démons ne
sauraient le retenir.»
Alors la Mère de Miséricorde dit à ceux qui
étaient autour d'elle:
«Cette âme à la fin de sa vie s'est tournée vers
moi et m'a dit: Vous êtes Mère de Miséricorde. Je
suis indigne de prier votre Fils, parce que mes
péchés sont trop grands et trop nombreux. Je vous
supplie donc d'avoir pitié de moi, car vous ne
refusez jamais votre Miséricorde à qui vous la
demande. Je me tourne donc vers vous et je vous
promets, si je vis, de me corriger, de tourner ma
volonté vers votre Fils et de n'aimer que Lui...»
Le diable reprit:
«Je n'ai rien su d'une telle volonté.»
Se tournant vers le Juge, la Sainte Vierge lui
dit:
«Ô mon Fils, que le démon ouvre maintenant son
livre et qu'il voie s'il y a quelque chose
d'effacé.»
Et le démon dut reconnaître que tous les péchés
de cette âme étaient effacés.
Le Juge dit alors au bon ange qui était là
présent:
«Où sont donc les bonnes œuvres de cette âme.»
Et le bon ange les énuméra. Et le diable cria,
s'adressant à Marie:
«Malheur, malheur, vous m'avez déçu. J'ai perdu,
je suis vaincu.»
Le Juge dit au démon:
«Je te permets maintenant de voir la vérité et
la justice; dis, que ceux qui sont ici l'entendent,
quelle est ma volonté et quel doit être le jugement
de cette âme.»
Le démon répondit:
«Qu'elle soit purifiée de telle sorte qu'il n'y
reste aucune tache; car elle ne peut arriver à Vous
avant qu'elle soit purifiée. Combien de temps
sera-t-elle en mes mains?»
Le Juge répondit:
«Je veux que tu n'entres point en elle, mais tu
dois la purifier jusqu'à ce qu'elle ait enduré la
peine selon la grandeur de sa faute. Elle doit voir
ses péchés et ses abominations; elle doit te voir en
ta méchanceté; elle doit voir les peines terribles
des autres âmes. Elle doit entendre les malheurs
horribles, parce qu'elle a voulu entendre les cris
épouvantables et les moqueries des démons.
Elle sera brûlée d'un feu très ardent, tant
au-dedans qu'au dehors, de sorte qu'il n'y aura pas
la moindre tache qui ne soit effacée par ce feu;
elle souffrira une grande rigueur de froid, parce
qu'el le brûlait de l'ardeur de ses passions et elle
était glacée dans ma charité; elle sera aux mains du
démon, afin qu'il n'y ait pas la moindre pensée qui
ne soit purifiée.
Et comme elle aurait voulu vivre en son corps
jusqu'à la fin du monde, elle devra être dans la
souffrance jusqu'à la fin du monde. Celui qui me
désire ardemment et aspire à quitter le monde pour
être avec moi mérite d'avoir le ciel sans peine, les
épreuves de la vie présente lui servant de
purification; celui qui craint la mort et pour la
mort elle-même et pour les peines qui la suivent,
celui-là mériterait une peine plus légère; mais
celui qui désire vivre jusqu'au jour du jugement par
amour pour cette vie, mérite d'être retenu dans le
purgatoire jusqu'au jour du jugement.»
Alors la Vierge Marie, pleine de miséricorde,
dit:
«Béni soyez-vous, mon Fils, pour votre justice
qui est unie à la miséricorde. Bien que nous voyions
et sachions toutes choses en vous, néanmoins pour
l'instruction des autres, dites-nous quel remède on
peut appliquer pour diminuer un si longtemps, et
quel remède pour éteindre un feu si ardent, et
délivrer cette âme des mains du démon.»
– « Il y a trois choses,
répondit le Fils,
qui abrégeront la peine, éteindront le feu et
l'arracheront aux mauvais esprits; la première, si
par quelque peine on expie ses injustices; la
deuxième par de très grandes aumônes car, par
l'aumône, les flammes sont éteintes comme le feu par
l'eau; la troisième par les messes et sacrifices et
par les prières de ses amis.»
La Mère de Miséricorde reprit alors:
«En quoi lui profitent maintenant les bonnes
œuvres qu'il a faites pour vous?»
– Le fils répondit:
«Il n'y aura pas la moindre parole dite pour mon
honneur, pas la moindre bonne pensée qui n'aie sa
récompense. Tout ce qu'il a fait pour l'amour de moi
est maintenant devant lui et lui sert de soulagement
dans ses peines; et moindres sont les rigueurs du
feu.»
La Mère de Dieu intercéda encore, alléguant que
cette âme avait certaines pratiques en son honneur,
comme de jeûner la veille de ses fêtes, de réciter
son office, de chanter ses louanges, et elle obtint
que cette âme ne vît point les démons dans toute
leur horreur, qu'elle n'entendît point les paroles
qui l'eussent couverte de confusion, qu'elle ne
ressentît point le froid glacial qu'elle avait
mérité par sa froideur pour Dieu.
Puis les saints intercédèrent à leur tour et
obtinrent que les démons n'aient pas le pouvoir de
l'aveugler et de l'empêcher de se consoler par la
pensée que ses maux prendraient fin et que la gloire
lui serait donnée.
Cette âme était celle d'un soldat, doux et ami
des pauvres. Sa femme fit pour lui de grandes
aumônes.
Quatre ans après cette vision, sainte Brigitte
la vit derechef comme un jeune enfant très beau et à
demi vêtu.
La sainte intercéda pour elle et le Juge lui
dit:
«Des larmes de charité m'ont été présentées pour
elle. Qu'on la porte au séjour du repos que l'œil
n'a point vu, que l'oreille ne peut entendre,
qu'elle-même, si elle était en la chair, ne pourrait
comprendre; là où il n'y a point de ciel au-dessus
ni de terre au-dessous; là où la hauteur est
incompréhensible, la longueur indicible, la largeur
admirable et la profondeur inexprimable; là où Dieu
est sur toute chose, autour et au-dedans de toutes
choses, où Il régit et contient toutes choses sans
être contenu par aucune.»
Alors sainte Brigitte vit que cette âme montait
au ciel, aussi brillante qu'une étoile. (Liv. V, ch.
XL)
DIEU, QUAND IL PUNIT SES INTIMES,
LES PUNIT EN PÈRE
Jésus dit à sainte Marguerite-Marie:
«Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par
les souffrances, si tu ne le fais pas par la
pénitence, et je ne te priverai de ma présence pour
cela, mais je te la rendrai si douloureuse qu'elle
tiendra lieu de tout autre supplice.»
(Ed. Gauthey, 11,
p. 564)
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