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Pier Giorgio Frassati
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LA COMPAGNIE DES
TYPES LOUCHES
L'opposition des Frassati au fascisme leur vaut des
représailles de la part des «Chemises noires» qui,
en juin 1924, n'hésitent pas à tenter de saccager la
demeure familiale de Turin. Pier Giorgio se défend
courageusement contre les intrus, ce dont se
félicite sa mère dans une lettre à sa fille
Luciana :
"Tu peux comprendre combien mon cœur de mère se
remplit de joie, quand j'entends autant de louanges
de Pier Giorgio. Maintenant, à tous ces hérétiques
et ces méchantes gens qui diront à papa que Pier
Giorgio est une grenouille de bénitier, on pourra
répondre que les grenouilles de bénitier savent, le
moment venu, faire leur devoir !"
Cependant, contraint à une certaine oisiveté, Pier
Giorgio crée avec des amis, la Compagnie des
types louches, groupe d'amis issus de la
jeunesse dorée, remuants et chahuteurs qui partent
souvent en excursion en montagne.
Cette compagnie est composée de membres se donnant
des surnoms (Pier Giorgio est Robespierre) ;
leur but est de se distraire par des excursions en
montagne et de rédiger le compte rendu de leurs
faits et gestes en un style pompeux. Ils s'engagent
à se soutenir spirituellement les uns les autres.
Pier Giorgio structure la pensée du groupe : "à
nous, il n’est pas permis de vivoter ; nous devons
vivre ". Il entraîne ses amis à vivre leur foi
avec joie, et se montre parfois farceur ainsi, en
plein repas, il appelle une de ses amies qui, alors
qu'elle décroche, reçoit un coup de trompette pour
seule réponse.
Lors des trajets, les imitations des contrôleurs par
Pier Giorgio conduisent ses amis à lui acheter cinq
minutes de silence avec des bonbons. Invité avec sa
troupe à fêter Noël en compagnie de son aumônier,
Pier Giorgio l'entraîne à faire une surprise,
remplissant d'eau tous les bols et verres prévus
pour le petit déjeuner.
En novembre 1924, ils tentent de faire l'ascension
du col de Bessanese. Au cours de cette excursion,
les "types louches" sont pris dans une tempête et
choisissent de creuser une cavité dans la neige pour
se reposer. Ils y passent plus de douze heures à
attendre la fin de la nuit sans dormir avant de
pouvoir redescendre. La montagne devient
progressivement une vraie passion pour Pier
Giorgio : "Chaque jour je me sens plus épris de
la montagne, sa fascination m'attire. Toujours j'ai
le désir d'escalader les cimes, d'atteindre les plus
hauts sommets, de ressentir cette joie pure que
donne la montagne […] J'avais formé le projet
d'abandonner le ski cet hiver, mais comment résister
à l'appel de la neige ! "
L'arrivée du fascisme et du régime dictatorial avait
marqué pour Pier Giorgio un début de désengagement
de sa participation à la politique. Bien qu'il
contribue encore aux engagements sociétaux à travers
la FUCI, il se consacre alors davantage à ses
visites aux pauvres, donnant la priorité à la
Conférence de Saint-Vincent-de-Paul. Ainsi, il se
rend régulièrement dans les taudis de Turin. Grâce à
des emprunts, il achète le nécessaire pour certaines
familles. Lors d'une réunion de la Société
Saint-Vincent-de-Paul, Pier Giorgio découvre qu'un
homme, victime d'un accident, ne peut plus
travailler en usine, il propose alors de payer pour
lui : il remet discrètement au trésorier de la
Société Saint-Vincent-de-Paul les 500 lires qu'il
vient de recevoir après la mort de son grand-père
pour acheter un matériel de vendeur de glace
ambulant. Après les réceptions données en la demeure
de ses parents, il récupère les fleurs pour qu'elles
soient déposées sur les cercueils des pauvres gens.
Une autre fois, il apprend que l'une des personnes
qu'il a coutume de visiter est à l'agonie et que
l'hôpital ne l'admet pas aux soins. En son nom, il
effectue auprès de la mairie les démarches
nécessaires à l'obtention d'un lit pour le malade.
Il décrit ses visites aux pauvres comme ses
"nouvelles conquêtes" et affirme à l'un de ses
amis : "Autour des malades, autour des
malheureux, je vois une lumière que nous n’avons
pas".
RENONCEMENTS :
dernière année d'études,
dernière année de vie
Le 17 décembre 1924, Pier Giorgio révèle à sa sœur
Luciana son profond amour pour Laura Hidalgo.
Cependant, au regard des difficultés que cet
engagement rencontrerait, il prend la décision de ne
pas le contracter ; ses parents, en effet, refusent
tout mariage avec un parti issu d'un milieu social
éloigné du leur. Il fait part de sa douleur à un
ami : " Je te demande de prier afin que Dieu me
donne la force de supporter sereinement ma peine —
tandis qu'à elle soient réservés tous les bonheurs
de cette terre et la force d'accomplir ma destinée." ;
à un autre, il affirme : "Dans mes luttes
intérieures, je me suis souvent demandé : «Pourquoi
devrais-je souffrir, supporter à contrecœur ce
sacrifice ? J'ai peut-être perdu la foi ?» Non,
grâce à Dieu, ma foi est encore solide :
affermissons et consolidons donc ce qui est notre
unique joie, qui en ce monde comble chacun de nous.
Elle vaut bien tous les sacrifices." Et
commentant la douleur ressentie, il écrit : "Les
douleurs humaines peuvent nous atteindre, mais pour
peu qu'on les considère à la lumière de la religion
et qu'on les accepte, elles ne sont plus nocives
mais salutaires, car elles purifient l'âme des
inévitables souillures que, du fait de notre nature
viciée, il nous arrive parfois de contracter."
Sa lutte intérieure se conforte à la lecture des
Confessions de saint Augustin. Dans ses lettres, il
regrette de ne pas avoir tenu toutes les résolutions
qu'il avait faites, mais affirme sa volonté de
poursuivre dans sa voie : "La charité seule peut
servir de but à toute une vie, remplir un programme.
La charité, voilà la fin à laquelle je veux tendre,
avec la grâce de Dieu." Il cherche à lutter
contre ses défauts : "Je lutte pour supprimer
tout mon passé et tout ce qu'il enferme de
répréhensible, afin de m'élever vers une vie
meilleure."
En janvier 1925, en pleine réforme universitaire où
est débattue la liberté d'enseignement, des tensions
naissent entre anticléricaux et partisans des écoles
confessionnelles. à l'université où étudie Pier
Giorgio s'étend une campagne menée par des étudiants
anticléricaux ; le directeur, membre de l'action
catholique, est injurié. Pier Giorgio déchire
publiquement les affiches et, devant les critiques
de certains étudiants dénonçant les manques à la
liberté de pensée, il s'exclame : "Pas de liberté
pour l'erreur et la calomnie. Et si j'en trouve
d'autres, je les arracherai aussi, comme toutes les
autres ! "
Le 25 janvier 1925, sa sœur Luciana épouse
l'ambassadeur de Pologne en Italie, Jan Gawronski.
Ils auront 6 enfants: Wanda en 1925, Alfredo,
Giovanna, Nella, Maria-Grazia née en 1933, duchesse
Salviati et en 1936, Jas qui sera journaliste. Pier
Giorgio se retrouve seul dans la maison paternelle.
La séparation d'avec sa sœur, ainsi que l'abandon
difficile de son amour pour Laura lui sont
particulièrement pénibles. Cela ne l'empêche pas, le
14 février 1925, d'écrire à sa sœur qui s'inquiète
de sa possible tristesse : "Tu me demandes si je
suis heureux : comment pourrait-il en être
autrement ? Tant que ma foi m'en donnera la force,
je serai toujours heureux : la tristesse doit être
bannie des cœurs animés par la foi. La douleur n'est
pas la tristesse qui est la pire des affections.
Cette maladie est presque toujours le fruit de
l'athéisme, mais la fin pour laquelle nous avons été
créés nous indique une voie, sans doute semée
d'épines, mais non une voie emplie de tristesse."
L'année universitaire 1924-1925, qui se termine au
mois de juillet par les examens habituels, marque la
fin des études de Pier Giorgio, qui, à 24 ans,
reçoit son diplôme d'ingénieur. à partir d'avril
1925, il abandonne toutes activités autres que ses
études à l'exception des Conférences de
Saint-Vincent-de-Paul auxquelles il continue de
participer.
Il souhaite que son diplôme le rapproche des
ouvriers. Son désir est cependant déjà contrarié par
ce que lui apprend un ami de son père en juin 1925 :
ce dernier, avant même que Pier Giorgio ait réussi
ses examens et sans lui en avoir parlé, entend faire
de son fils et héritier le prochain directeur de
La Stampa. Malgré la peine qu'engendre cette
décision et l'abandon de la proximité avec les
ouvriers qu'elle implique, Pier Giorgio l'accepte et
écrit à sa sœur qui s'interroge sur son avenir :
"J'aurais aimé être missionnaire, mais maintenant
que tu pars…"
En fait, Alfredo Frassati sera contraint par le
pouvoir fasciste de vendre son journal pour un prix
dérisoire au patron de Fiat, Giovanni Agnelli.
Pendant ce temps, le 30 juin 1925, Pier Giorgio
confie à un ami son admiration profonde pour
Catherine de Sienne. La sainte sera proclamée
Docteur de l'Église et patronne des moyens de
communications en 1970.
Alors que sa grand-mère est à l'agonie, Pier
Giorgio, très fatigué, ne sait pas encore qu'il
souffre de la maladie qui l'emportera en quelques
jours...
MALADIE ET MORT
Pier Giorgio Frassati contracte la poliomyélite lors
de l'une de ses visites à des nécessiteux. Le 29
juin 1925, il commence à être très fatigué mais il
ne se plaint pas. Dans les jours qui suivent, sa
santé se détériore sans que sa famille ne se rende
compte de la gravité de son état. Sa famille reste
au chevet de leur grand-mère qui meurt le 1er
juillet 1925. Les proches de Pier Giorgio persistent
à penser qu'il n'est victime que d'une grippe
passagère.
L'agonie de Pier Giorgio se poursuit pendant les
jours qui suivent, et ce n'est que le 3 juillet,
soit plus de cinq jours après le début de la
maladie, que le médecin prend la mesure des choses
et demande confirmation auprès de spécialistes. Le
lendemain, le diagnostic est enfin posé:
poliomyélite au stade avancé.
Le vendredi étant le jour de ses visites aux
pauvres, Pier Giorgio demande à sa sœur Luciana de
réécrire et de transmettre un billet qu'il a
péniblement rédigé : il demande qu'on le remplace
auprès des pauvres à qui il devait rendre visite :
" Voici les injections de Converso ; la police
est de Sappa. Je l'ai oublié ; renouvelez-la à mon
compte ".
La famille de Pier Giorgio ne lui révèle pas la
gravité de sa maladie, mais son père spirituel venu
le visiter lui annonce qu'il est possible qu'il
rejoigne sa grand-mère rapidement. Il meurt le
lendemain, paralysé par la poliomyélite.
BéATIFICATION
Ce n'est qu'après la mort de Pier Giorgio que sa
famille prend connaissance de ses actions de
charité; même ses amis, en-dehors du cercle de
St-Vincent-de-Paul, ne sont pas au courant de
l'importante activité qu'il a menée auprès des
pauvres.
Lors de ses obsèques, des milliers de personnes,
dont de nombreux pauvres de Turin, sont présents
pendant le trajet jusqu'à l'église ; dans la foule
se trouve Giovanni Amen dola, homme politique
influent. La dépouille est enterrée à Pollone.
L'année suivant sa mort, une plaque commémorative
est apposée dans l'église de Crocetta. Un alpiniste
donne le nom de Pier Giorgio Frassati à deux cimes
des Alpes pennines. Peu à peu, la notoriété de Pier
Giorgio Frassati grandit en Italie. De nombreux
groupes de jeunes le prennent comme exemple dans les
années 1930.
En 1981, son corps est exhumé et retrouvé intact.
Plusieurs journaux publient la nouvelle et
considèrent Pier Giorgio comme un saint. La même
année, son corps est transféré à la cathédrale
Saint-Jean-Baptiste de Turin où il est toujours
vénéré aujourd'hui.
Lors de la création des Journées Mondiales de la
Jeunesse et de l'inauguration du Centre
international de jeunes San Lorenzo à Rome en 1983,
le Pape Jean-Paul II cite Pier Giorgio Frassati en
modèle de sainteté pour la jeunesse. Au cours des
nombreuses Journées Mondiales de la Jeunesse, les
papes Jean-Paul II et Benoît XVI le citent en
exemple.
Pier Giorgio est déclaré vénérable par le pape
Jean-Paul II le 23 octobre 1987. L'Église catholique
reconnaît la guérison miraculeuse de Dominique
Sellan, victime du mal de Pott dans les années 1930,
obtenue après que la maladie a emporté Pier Giorgio
Frassati. Il est béatifié et déclaré patron des
sportifs et des confréries par le Pape Jean-Paul II
le 20 mai 1990, et décrit comme l'homme des huit
béatitudes. ■
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