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À la fin de juin 1912, après une nuit épouvantable, où le démon l’avait tourmenté
de 22 heures à 5 heures: “Lorsque cette brute s’en alla, raconte-t-il, le
froid m’envahit de la tête aux pieds, et je tremblais comme un roseau exposé
à un vent impétueux. Cela dura environ deux heures. Du sang sortit de ma bouche.
À la fin, vint le petit enfant Jésus, à qui je dis de vouloir faire seulement sa Volonté.
Il me consola et me remit des souffrances de la nuit.
Oh ! mon Dieu, comme battait mon cœur ! comme mes joues étaient
en feu auprès de ce céleste Enfant !… Si je pouvais avoir des ailes,
je voudrais dire à tous et à haute voix, je voudrais hurler:
“Aimez Jésus,
qui est si digne d’Amour !”
Le vendredi 19 mars 1913, Jésus attira son attention sur une des plaies de l’Église: les prêtres indignes:
“J’étais encore au lit lorsque Jésus m’apparut. Il était en piètre état et tout défiguré.
Il me montra un grand nombre de prêtres réguliers et séculiers, parmi lesquels divers dignitaires
ecclésiastiques; certains étaient en train de célébrer, d’autres se paraient de vêtements
sacrés et d’autres encore les enlevaient.
La vue de Jésus en peine me causa une grande douleur.
Aussi je voulus Lui demander pourquoi Il souffrait tant. Je n’eus aucune réponse.
Toutefois son regard se dirigeait vers ces prêtres et comme s’Il était las de regarder,
il détacha son regard et le leva vers moi.
À ma grande douleur, je vis deux larmes Lui sillonner les joues.
Il s’éloigna de cette multitude de prêtres, une expression de mépris et de dégoût sur le visage, en s’écriant: Bouchers !
Et se tournant vers moi, Il me dit: “Mon fils, ne crois pas que mon agonie
n’ait duré que trois heures, non ! À cause de ceux que J’ai le plus comblés,
Je serai en agonie jusqu’à la fin du monde.
Pendant le temps de mon agonie, mon enfant, il ne faut pas dormir.
Je vais à la recherche de quelques gouttes de pitié humaine, mais hélas !
Je suis seul sous le poids de l’indifférence. L’ingratitude et la somnolence
de mes ministres me rendent plus pénible mon agonie.
Hélas ! comme ils répondent mal à mon Amour !
Ce qui M’afflige le plus est que ces prêtres ajoutent à leur indifférence le mépris et l’incrédulité.
Que de fois J’ai été sur le point de les foudroyer, si Je n’avais pas été retenu
par les Anges et les fidèles qui M’adorent.
Écris à ton conseiller spirituel et dis-lui ce que tu as vu et
ce que tu as entendu de Moi ce matin. Dis-lui qu’il montre ta lettre au provincial…”
"Jésus, poursuit le Frère Pio, continua encore, mais ce qu’Il me dit,
je ne pourrai jamais le révéler à aucune créature de ce monde.”
En 1913, on était encore en pleine crise du "modernisme",
et des prêtres indignes, qui ne respectaient pas la hiérarchie,
– essentielle pour l’Église catholique –, et préféraient lui désobéir, quittaient celle-ci.
Ce drame des prêtres indignes, qui est à l’origine de la première des persécutions
déchaînées contre Saint Pio, le hantera toute sa vie.
Comme toutes les professions comportent des personnes indignes,
immorales et malhonnêtes, l’Église et les prêtres ont aussi, de tout temps, des individus de cet acabit.
Il avait et mettait en pratique une notion héroïque
de la réversibilité des mérites par la Communion des Saints.
Il ne se contentait pas d’accepter ses souffrances avec une
parfaite résignation chrétienne, il entendait appliquer les mérites
qu’il acquérait par ce fait, aux yeux de Dieu, pour soulager des
purgatoris (âmes du purgatoire) ou pour compenser, à l’égard de
Dieu, les fautes et les crimes des pécheurs.
Il s’offrait en victime à Dieu, à la fois pour les péchés du monde,
et pour abréger le séjour de certains purgatoris dans le Purgatoire:
“Depuis longtemps, écrit-il en novembre 1910, je sens en moi le
besoin de m’offrir en victime pour les pauvres pécheurs et pour les purgatoris.
Ce désir a toujours augmenté dans mon cœur au point de devenir pour
moi maintenant, pourrai-je dire, une forte passion…
Cette offrande, je l’ai faite plusieurs fois au Seigneur,
Le conjurant de bien vouloir déverser sur moi, même en les multipliant,
les châtiments qui sont préparés pour les pauvres pécheurs et les purgatoris…”
Ainsi, écrit-il à un correspondant, sans doute son directeur spirituel,
“Vous m’exhortez à m’offrir en victime au Seigneur pour les pauvres
pécheurs; cette offrande, je l’ai faite une fois (le 29 novembre 1910)
et je la renouvelle encore plusieurs fois par jour.
Mais comment se fait-il que Dieu ne m’exauce pas?
J’offre ma vie pour le Salut des pécheurs, et pourtant le
Seigneur me laisse continuer de vivre. Il n’a donc pas accepté
l’holocauste que je lui avais fait et que je Lui fais encore de moi-même?”
(Padre Pio, “Paroles de Lumière”, p. 124)
“Dieu l’a amplement exaucé par tout le Bien qu’Il a fait au monde
à travers lui, utilisant ses souffrances quotidiennes pour le Salut,
la conversion ou la guérison de tant de personnes, et aussi pour ouvrir
les yeux à tous ceux qui veulent bien voir la Toute-Puissance divine agissant
par l’intermédiaire de ses Saints.” (P. Aldéric)
Il revient sur cette idée, à plusieurs reprises:
“Je suis plus que jamais heureux de souffrir, et si j’écoutais la voix du cœur,
je demanderais à Jésus qu’Il me donne toutes les tristesses des hommes,
mais je ne le fais pas parce que je crains d’être trop égoïste, convoitant la meilleure part: la douleur…”
Rares sont les gens qui pensent comme lui; bien au contraire la plupart d’entre nous,
loin de désirer et de rechercher la douleur, la craignent et la fuient autant qu’ils peuvent…
Jésus lui avait demandé, révèle-t-il, d’être une victime de l’Amour de Dieu et des hommes.
Il avait accepté. Cela faisait partie du programme que le Christ lui avait assigné: sanctifier et se sanctifier.
Le Frère n’avait pas seulement à endurer, avec un esprit surnaturel, ses horribles souffrances physiques,
ses tentations et ses combats avec Satan; il lui fallait aussi accepter d’être mis à l’écart en quelque sorte,
en quarantaine, à cause de la contagion possible de ce qu’on pensait être la tuberculose, dont on croyait qu’il était atteint.
C’est à cause de cela, autant que pour lui permettre de mieux se soigner,
qu’on ne voulait pas de lui dans un couvent de Capucins et qu’on le laissait dans son village natal.
La tuberculose était considérée alors, dans le sud de l’Italie comme la maladie la plus contagieuse. Elle faisait peur.
Nombreux étaient ceux qui évitaient, à cause de cela,
de s’approcher trop de lui. Dans l’armoire de la sacristie de
l’église, où il disait la Messe, on mettait à part ses ornements sacerdotaux,
ses serviettes, ses linges sacrés et même son calice…
Humiliation, qu’il semble ne pas voir,
mais dont il est impossible qu’il n’éprouve pas la blessure morale.
Toutefois celle-ci faisait partie de son lot de souffrances, non seulement acceptées,
mais spirituellement offertes:
“Je garde toujours mon âme gaie et résignée,
parce que je me rappelle toujours avec plaisir
le sacrifice de ma vie que j’ai fait au Seigneur…
Je ne désire pas que ma croix soit allégée, car souffrir avec Jésus m’est cher…
Je suis égoïste quand il s’agit de souffrances, je veux souffrir seul…”
UNE JOURNÉE
DANS LA VIE DE PADRE PIO
Il passait 19 heures par jour dans son confessionnal.
Les journées du Frère Pio se ressemblaient toutes et se
passaient entre sa cellule et l’église, où il disait sa Messe à 4 heures et où il confessait.
Il dormait très peu. Il se couchait vers 19h30 et se levait vers 23 heures.
Il ne restait jamais au lit plus de quatre heures, dont deux heures pouvaient être
considérées comme du vrai sommeil.
Même quand il était au lit, il avait son chapelet,
son cher chapelet, entre les mains. Il ne le quittait pas.
Il priait perpétuellement et, dès 2 heures du matin,
il commençait la préparation de sa Messe. Il méditait sur
le saint-Sacrifice de la Messe qu’il allait offrir, dès 4 heures du matin,
5 heures dans les derniers temps, où il était âgé et presque impotent.
Toute la nuit et bien avant l’aube, par tous les temps,
les fidèles se massaient devant la porte de l’église, en rangs de plus en plus serrés.
Il donnait parfois la communion au cours de sa Messe,
mais seulement aux enfants qui faisaient leur première Communion.
Quand il était plus jeune, avant 1959, il donnait la Communion vers 9h30,
après avoir confessé les femmes; mais en général, la
Communion était distribuée aux fidèles après la Messe du Padre,
au maître-autel, tandis que celui-ci faisait son action de grâces dans la sacristie.
Les confessions étaient, après sa Messe, sa grande
occupation et préoccupation. Il passait 19 heures par jour dans son confessionnal.
À la fin de sa vie, c’était seulement quatre heures ou même deux heures et demie,
sa santé ne lui permettant plus davantage.
Les dernières années, il confessait les femmes le matin
pendant une heure et demie; et les hommes l’après-midi pendant une heure.
Les habitants du pays et les prêtres passaient les premiers.
Il fallait, pour se confesser à lui, parler italien ou latin.
À certaines époques de l’année, il fallait avoir de la patience
pour arriver à se confesser au Saint. Entre le moment où on
recevait un numéro et le moment où on pouvait se confesser,
il s’écoulait parfois trois semaines ou un mois.
Après sa grave maladie, en 1959, il fallait attendre quatre mois,
à tel point que des fidèles chargeaient un habitant de
San Giovanni Rotondo de leur télégraphier quand on
approchait de leurs numéros d’inscription. Les couloirs et les confessionnaux
étaient remplis de gens voulant baiser la main du Frère,
ou lui transmettre mentalement leurs intentions.
L’attitude du Frère vis-à-vis les pénitents variait beaucoup:
envers les uns, il se montrait plein de douceur; à l’égard d’autres,
il était moqueur, il les secouait durement ou les humiliait;
enfin vis-à-vis de certains, il était sévère, allant jusqu’à refuser
de les écouter ou de leur donner l’absolution, car, étant donné
qu’il lisait dans les consciences, il connaissait parfaitement les arrière-pensées,
les vrais mobiles, et il discernait les dispositions de ceux qui l’approchaient…
Quelques-uns de cette dernière catégorie s’obstinaient
et revenaient quatre ou cinq fois avant de réussir à être absous.
De même, quand le Frère distribuait la Communion, il lui arrivait de
refuser de donner Jésus-Hostie à des personnes qu’il estimait indignes de Le recevoir.
Aux alentours de 11 heures, le Frère priait pendant une
heure dans une tribune de la nouvelle église; après quoi, il récitait l’Angelus
et donnait sa bénédiction. Vers 16 heures, il donnait la bénédiction du Saint-Sacrement.
Si le Frère n’était pas trop fatigué pour donner lui-même
la bénédiction, il descendait de la tribune pendant que les fidèles
chantaient les litanies de la Sainte Vierge ou du Sacré-Cœur.
Il donnait la bénédiction très lentement, avec un visage irradié.
Détendu et cordial, il restait ensuite une demi-heure
avec quelques amis dans le jardin du couvent ou dans une pièce intérieure de la clôture.
Il se rendait au réfectoire une fois par jour, après l’Angelus
de midi. Il goûtait plus qu’il ne mangeait quelques feuilles d’herbes,
quelques olives et une cuillère de bouillon. Il ne mangeait et
ne buvait même pas l’équivalent, en poids, du sang qu’il perdait
chaque jour par ses stigmates. Il fallait faire appel à la règle de
l’obéissance pour le décider à prendre des médicaments.
Le soir, vers 19 h 30, les fidèles attendaient derrière
le couvent que le Frère leur dise bonsoir en agitant son mouchoir à la fenêtre de sa cellule. ■
Paul Lesourd et J. M. Benjamin,
“Les mystères du Frère Pio”, p. 107-110
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