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Franc-parler
sur Harry Potter (1)
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par Mona Mikaël
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Chère Michèle,
Donc, tu défends Harry Potter contre ma «
bigoterie », tu te vantes d’y trouver de grandes
valeurs chrétiennes et tu offres les livres à
Jeannot pour Noël. Très bien. Je relève les trois
défis et m’en vais y répondre, mais sans citer grand
monde, car il est peu de sujets sur lesquels nos
intellectuels se soient autant trompés.
Je prendrai pour arbitre la
Seule Autorité fiable à 100 % et la plus disposée à
éclairer nos lampes : la Maison de Dieu.
Pourquoi ne L’as-tu pas consultée en premier? Parce
que, bien convaincue d’avoir compris toute seule, tu
n’as pas jugé bon de déranger le Patron, qui nous
répète sans cesse qu’on ne peut rien faire sans Lui.
On ne cherche pas ce qu’on est sûr d’avoir, pas vrai
? Il est pourtant facile aux enfants de la Chute de
tomber dans l’erreur. Comme nous payons la Faute de
nos premiers parents, nos écarts de
jugement peuvent un jour coûter cher à nos propres
enfants. «Que voilà de grands mots pour une
si petite affaire!» diras-tu en riant. Il n’ a pas
de quoi rire, pourtant, car la génération Harry
Potter, celle de notre Jeannot, est celle qui
portera le Nouvel Ordre Mondial,
dont les augures n’annoncent rien de bon pour les
croyants.
Les rusés promoteurs de cet ordre nouveau ne
veulent pas d’esprits doux nourris de sève
chrétienne, mais des rogues et des durs qui ne
s’encombrent pas de remords de conscience, une
jeunesse bien montée dans le sens de leurs plans ou,
comme dit Georges Simenon, de « la crapule
consciente et organisée ». Il leur faut également
des légions de sorciers solides et bien formés,
parce que leur Manitou est lui-même un sorcier, le
plus grand de l’histoire : l’Antéchrist.
[Ne t’énerve pas déjà. Je ne fais que commencer.]
Si la bigoterie c’est de tout voir par les yeux
de la foi, alors je suis vraiment heureuse d’être
bigote. Je souhaiterais d’ailleurs que tu le fusses
toi-même un peu plus dans ce sens, car alors tu
saurais que les sorciers détestent
Jésus-Christ
et que lorsque Sa croix pénètre dans leurs
antres, ce n’est certainement pas pour y être
honorée, mais bien plutôt pour être salie et avilie,
renversée, outragée.
Si, donc, une école de sorcellerie réelle ou
fictive prône des valeurs chrétiennes, on a de
fortes raisons de trouver cela très louche. Voit-on
des communistes vénérer les icônes ou bien des
satanistes communier à l’église ? Cela arrive, bien
sûr, mais par pure dérision,
pour le malin plaisir de blasphémer le Christ.
Quant à offrir Potter à Jeannot pour Noël, j’y
oppose fermement un droit de veto
sacré conféré par toi-même, note bien ! le
jour oà tu m’as faite la marraine de ton fils. Ce
titre de marraine que tu m’avais tant pressée
d’accepter, je l’avais d’abord refusé parce que tu
n’y voyais qu’un titre symbolique, sorte d’honneur
social sans aucune dimension spirituelle ni morale.
Et comme tu insistais : « Très bien, t’ai-je répondu
; saches alors que Jeannot aura une
vraie marraine, non une marraine sociale, et
que ce rôle me donne un droit d’intervention dans
tout ce qui regarde sa santé intérieure. » C’est de
ce droit que j’use aujourd’hui avec toi ; c’est lui
qui me fait parler
avec autorité, donc en
personne
autorisée, par toi-même, je
le répète, mais avant tout par Dieu.
UN MINIMUM DE CIVISME
Comme je me donne la peine de t’écrire une
longue lettre — car tu n’as pas daigné seulement
ouvrir mon livre
(1) — , j’espère que tu prendras le temps de la
relire avec beaucoup de sérieux, beaucoup
d’humilité; car il s’agit, Michèle, de régler la
question sans perdre un temps précieux à ferrailler
bêtement pour savoir qui de nous a tort ou a raison.
Quant à moi, je voudrais sincèrement me tromper,
car si ma thèse sur Harry Potter est juste, ce dont
je suis, hélas! convaincue et navrée, nous sommes
dans de beaux draps. Mais n’allons pas tomber dans
le «style chiffonnier» qui n’a que trop longtemps
embrouillé le débat, si j’ose appeler débat les
accrochages violents, dégradants et stériles qui ont
scindé l’Église autour de ce sorcier. Je te rappelle
alors qu’un minimum de civisme est ici de rigueur,
car pour régler les choses, il faut d’abord
s’entendre au sens propre du mot, surtout respecter
l’autre et l’écouter vraiment, donc
accepter l’idée que l’on puisse être soi-même
enfoncé dans l’erreur.
Pourquoi diantre veut-on toujours avoir raison?
Pourquoi ne pas chercher la vérité ensemble?
Pourquoi couvrir d’injures son frère en Jésus-Christ
parce qu’il ose exprimer une opinion contraire? Car
c’est bien cela qui se passe depuis douze ans déjà.
L’injure est trop souvent un raccourci commode pour
s’épargner l’effort d’une réflexion sérieuse et
surtout pour couvrir l’absence d’arguments vrais.
à propos d’arguments, je ne t’en donnerai pas même
un seul dans cette lettre, car ce n’est plus à moi
de t’apporter les preuves de la perversité d’Harry
Potter, l’ayant déjà fait amplement dans mon livre.
C’est à toi de me montrer en quoi c’est une lecture
innocente pour Jeannot.
Tu dis que tu as lu les sept livres en entier,
ce qui est un bon point pour toi comparé à tant
d’autres qui y tiennent mordicus sans les avoir
ouverts, ou parce que leur beau-frère, un vieux
«bigot» comme moi, les condamne. Il est clair,
cependant, que tu n’en as fait qu’une lecture très
candide, une lecture de loisir au
premier degré, sans outils ni repères, sans esprit
critique et sans même tenir compte de l’énorme
explosion des sciences occultes dont notre monde
moderne est si gravement marqué.
Que sais-tu de la sorcellerie et de l’alchimie,
qui sont l’épine dorsale de ces livres? Rien ou
presque rien et j’admire que tu puisses, aussi mal
outillée, contredire ceux qui savent par expérience
directe et qui dénoncent en chœur le
sorcier bien-aimé
! Les anciens occultistes, les exorcistes et
les nombreux laïcs qui luttent contre les sectes
sont des
gens de terrain et ils
savent ce qu’ils disent, je t’en réponds. Remarque,
il n’y a pas de mal à ne pas tout savoir ; mais il y
en a à se croire, avec si peu de bagage, mieux armé
pour juger que l’expert reconnu!
«L’homme le plus dangereux, affirme l’abbé Barruel,
n’est pas celui qui ne sait rien, mais celui qui
sait mal, c’est celui-là surtout qui sait très peu
et qui croit tout savoir», car il répand partout,
comme de la fausse monnaie, son interprétation
distordue ou tronquée. C’est le complice rêvé des
combines de l’ennemi, qui le laisse bavarder avec
satisfaction et rit à s’étouffer de ce qu’il
l’entend dire. Afin d’y voir plus clair, il faut
avoir assez de connaissances en matière d’occultisme
ou s’en remettre à ceux qui les ont
et qui voient.
Car ce qu’on ne connaît pas, on ne peut le
reconnaître.
HARRY POTTER
BAIGNE DANS L’ALCHIMIE
Pour qui possède au moins une base d’ésotérisme,
le fait est indéniable : la série Harry Potter
baigne dans l’alchimie
(2), la reine des sciences occultes qui, par
l’initiation, promet à ses adeptes une
voie de salut sans Dieu
(3). Les sept livres correspondent aux sept
opérations de préparation de la Pierre Philosophale,
grande vedette du Tome 1, ainsi qu’aux sept étapes
de l’initiation magique. On y trouve notamment des
alchimistes réels (Flamel, Agrippa, Paracelse) et un
imaginaire (Dumbledore), la théosophe en chef Mme
Blavatsky (légèrement maquillée en Cassandra
Vablatsky), les Quatre éléments, le Feu qui ne brûle
pas, les clés d’initiation, les Douze Portes
d’alchimie, la renaissance cyclique, beaucoup de
vert émeraude et pas mal de latin, des rituels
alchimiques à peine voilés et une foison de symboles
très lourds d’enseignements (les chapitres 34 et 35
du Tome 5 sont spécialement chargés). C’est grâce à
ces symboles (4)
que
l’auteur a codé habilement son
histoire afin que les profanes comme toi, ma
chère Michèle, n’y voient rien de suspect. Tu sais
que l’alchimiste transforme le plomb
en
or ou, du moins, s’y essaie ;
mais penseras-tu seulement à faire un lien direct
entre cette donnée et l’élève qui, au Tome I, essaie
de changer la couleur de son rat,
gris comme le plomb, en
jaune, couleur de l’or ?
Toujours au Tome 1, avant et après le rituel
d’entrée (la Répartition), Harry, le petit novice
étranglé par le trac, a « l’impression d’avoir des
jambes de plomb ». Au début
du Tome 7, devenu un initié sérieux et sûr de lui,
il pose un geste parlant autant que symbolique :
lorsqu’il jette ses cheveux - sa substance vitale -
dans « un liquide pareil à de la
boue » et donc d’une teinte
grisâtre, le liquide prend
alors « une couleur d’or brillante ». C’est ainsi
qu’on apprend que Harry est devenu un vrai maître
alchimiste, un sorcier accompli - les deux sont
synonymes sous la plume de l’auteur - et beaucoup
mieux encore : il incarne maintenant la Pierre
Philosophale.
Les adeptes le savent : la vraie
transmutation n’est pas celle des métaux, mais celle
de l’alchimiste
soumis à une très dure ascèse initiatique. «
Il ne s’agit en aucun cas d’alchimiser les métaux,
précise un vieux grimoire, mais de s’alchimiser »
soi-même afin de retrouver son beau statut divin,
comme le déclarent hautement les voix du
Nouvel-âge...
Ce chemin de perfection sans Dieu est appelé
«l’Art Sacerdotal» et consacre
«l’alliance du laboratoire et de l’oratoire».
Dès lors, ce ne sont plus des critères
littéraires qu’il convient d’appliquer à Harry
Potter, mais plutôt des critères
spirituels et moraux. Il faut savoir aussi
que la structure profonde de ces livres d’enfant
(sic) s’inspire directement d’un vieil ouvrage
allemand qui remonte à plus de 500 ans (1489) :
Les Noces Chymiques de Christian Rosencreutz
de Jean-Valentin Andréæ. Cette histoire découpée en
sept « jours » symboliques correspondant aux phases
du Grand Oeuvre alchimique, raconte l’étrange
parcours d’un homme déjà sur l’âge invité à des
noces d’un genre très mystérieux auxquelles on ne
comprend rien si l’on n’est pas du bord... Un texte
bien hermétique au sens propre du mot ! Selon les
spécialistes, c’est à la fois un
conte allégorique, un traité
d’alchimie et un
traité d’initiation Rose-Croix
(Rosen-creutz). [Depuis le « Da Vinci Code », ces
sortes de récits pétris d’ésotérisme sont devenus à
la mode.] J’ai pris le temps d’étudier
Les Noces dans le détail et peux te certifier
que les ressemblances avec Harry Potter sont
vraiment trop nombreuses et trop frappantes pour
n’être que fortuites.
La série de J.K. Rowling est bel et bien
inspirée de cet ouvrage ancien où tout commence par
une invitation remise au candidat pendant une nuit
d’orage («Nul n’a été appelé qui n’eût des dons
précieux.»). Après un long périple rempli d’épreuves
diverses, celui-ci arrive à un vieux château sombre
bordé d’un très grand lac, avec bibliothèque
étrangement habitée; milliers de lumières qui
éclairent toutes seules; images mouvantes; créatures
invisibles à certains et visibles à d’autres, selon
qu’ils ont ou non «les yeux ouverts»; processions
bien réglées; tour à plusieurs étages semblable à
l’athanor, le four des alchimistes; grands vaisseaux
lumineux surgissant dans la nuit et des sirènes, des
nymphes, des lions verts et des aigles, le phénix et
même un malin Cupidon au carquois bien garni... Ici,
tout est secret et il est interdit
de rien dire à personne, sous peine des pires
sanctions! L’intrigue est composée de
traversées nocturnes, d’épreuves initiatiques avec
messages codés, serments et parchemins, conjonctions
zodiacales, figures du Tarot et rituels de minuit;
géométrie, couleurs et gestes symboliques; breuvage
d’oubli et numérologie; tour frappée par la foudre;
œuf philosophique; humains et animaux décapités;
mort et résurrection à partir de vieilles cendres;
tête de mort habitée par un très long serpent, etc.
On y rencontre aussi un homme appelé
Cadmus, comme l’ancêtre de
Voldemort, et l’inévitable
vieux sage à barbe blanche
qui a servi de modèle au sorcier Dumbledore...
Comme cet ouvrage antique, Harry Potter a
«plusieurs broderies sur une même trame» et donc
plusieurs lectures parallèles du
même texte, avec beaucoup de ruses, de
mirages et de feintes conçus pour égarer le lecteur
trop candide (aujourd’hui, on appelle cela
«désinformation»). Ces choses ne sont visibles qu’à
celui qui possède les connaissances requises ; elles
demeurent invisibles à la masse des profanes, qui
décident simplement qu’elles sont inexistantes...
Puisque je ne vois pas, cela n’existe pas; drôle de
logique, vraiment.
À la fin du Tome 1, par exemple, la Pierre
Philosophale disparaît, détruite à tout jamais. Mais
cette disparition n’est qu’apparente, car la fameuse
pierre rouge, également appelée «Pierre du Sorcier» et «Pierre Occulte», reparaît dans chacun des
cinq livres suivants sous la forme
de son symbole alchimique, le phénix...
L’oiseau mythique qui brûle et renaît de ses cendres
représente donc la Pierre Philosophale, ultime
aboutissement du Grand Oeuvre alchimique
(5). Il est aussi symbole d’immortalité.
Précisons que dans la tradition chrétienne le phénix
représente la résurrection après
la mort, alors que dans le registre occulte il
désigne l’exploit de
ne jamais mourir, donc de
rester toujours dans la Vallée des Larmes... C’est
cette
immortalité terrestre que
recherche âprement le tyran Voldemort, pour qui la
mort est une tare honteuse et humiliante; voilà
pourquoi il veut s’approprier la Pierre, qui permet
de fabriquer l’élixir de longue vie
(6).
Au Tome 7, qui est un écho amplifié du Tome 1,
la Pierre Philosophale reparaît, non plus sous le
voile de son symbole, le phénix, mais comme
«Pierre de résurrection»... Incarnant
lui-même cette Pierre «miraculeuse», Harry reste
vivant après le coup de baguette fatal de Voldemort
et bondit sur ses jambes, devenu, comme le Christ,
«le vainqueur de la mort» !
__________________
(1)
«Harry Potter et l’Ordre des Ténèbres» paru en 2007
chez Saint-Rémi en France, et en 2008 chez Editio
Sanctus Martinus au Canada.
(2)
Alchimie — Science occulte centrée sur la recherche
d’inspiration spirituelle ésotérique, d’un remède
universel (élixir, panacée, pierre philosophale)
capable d’opérer une transmutation de l’être, de la
matière (et notamment la transmutation en or des
métaux vils) (Larousse 2008)
(3)
Saint Thomas d’Aquin ne condamne pas l’alchimie tant
qu’elle ne trempe pas dans la magie. Mais dès qu’il
y entre de la magie, comme c’est généralement le
cas, elle devient une science occulte. Il est
évident que dans Harry Potter, le contexte est
magique, tout ce qu’il y a de plus magique.
(4) Les
animaux réels ou mythiques
présents dans la série désignent des
composés ou des opérations alchimiques : le
Phénix est symbole de la Pierre Philosophale ;
l’Aigle, symbole de volatilisation ; le Loup gris,
symbole de l’antimoine alchimique (Lupus Mettalorum)
; la Salamandre, symbole de la Pierre fixée au
rouge. Le dragon représente l’esprit ou la force
vitale des métaux, le dragon ailé désignant le
principe volatile et sa couleur (rouge, noir ou
vert, comme les trois dragons au Tome 4 de la série)
ayant aussi un sens. Quant au mystérieux
«sang de dragon» que l’on
rencontre à plusieurs reprises dans les aventures de
Harry Potter, c’est le nom que donnent les
alchimistes au
cinabre, «sulfure rouge de
mercure, composé dans lequel on reconnaît les deux
éléments de base de l’alchimie universelle : le
soufre et le mercure.» Au Tome 7, on apprend que le
professeur Dumbledore « avait découvert les douze
usages du sang de dragon et (s’était vu décerner) la
médaille d’or à la Conférence internationale des
alchimistes, au Caire. » Au Tome 3, il est question
d’un chien attaqué par un loup,
ce qui, en lecture « candide », n’est rien d’autre
qu’un chien attaqué par un loup. Mais le sens
alchimique est également présent, l’image d’un chien
dévoré par un loup correspondant à la
purification de l’or par l’antimoine.
(5)
Constante prédominance des couleurs rouge et or : le
phénix est un oiseau rouge feu avec un bec et des
serres dorés. La Pierre, qu’il symbolise, est rouge
en bloc et jaune safran une fois pulvérisée. Quant à
Harry lui-même, qui est en quelque sorte une
incarnation de la Pierre Philosophale, il appartient
à la maison Gryffondor, dont les couleurs sont rouge
et or, et il est partout entouré de rouge et or, qui
sont des couleurs royales soulignant discrètement sa
royauté montante ainsi que « l’Art Royal », autre
nom pour l’alchimie, dans laquelle baignent ses
aventures.
(6)
Au Tome 1, il est question de l’alchimiste du XIVe
siècle, Nicolas Flamel, qui aurait eu 665 ans
l’année précédente (et donc 666 ans l’année où l’on
parle...) et qui, à la fin de ce livre, décide de
détruire la Pierre et donc de renoncer à
l’immortalité qu’elle lui procurait.
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