QUESTION: Dans une paroisse près de
chez moi, le prêtre a demandé aux fidèles d'amener leur propre tranche de pain
pour la Messe. Au moment de la Consécration, il leur a demandé de prendre leur
pain, et de le consacrer en même temps que le prêtre le fait à l'autel,
puisqu'ils sont, eux aussi, revêtus du sacerdoce royal. Il leur a dit qu'ils
pourraient ensuite emporter Jésus (leur pain consacré) chez eux et en avoir pour
toute la semaine ou pour partager avec d'autres. Qu'en pensez-vous ?
RÉPONSE : Il s’agit d’une
abomination ! Cette "consécration" est très probablement
invalide. Voici pourquoi :
-
D’une part, absence de pouvoir. Aucun
fidèle n’a le pouvoir de transformer le pain et le vin en Corps et Sang du
Christ. Ce pouvoir est exclusif au prêtre qui le reçoit lors de son ordination
sacerdotale. Le "sacerdoce royal" des fidèles n’est pas l’équivalent du
sacerdoce ministériel des prêtres. Prétendre que les fidèles peuvent consacrer
est purement et simplement une hérésie. Jésus n’a jamais enseigné une telle
chose.
Il y a une loi de l’Église qui interdit formellement aux prêtres
de "concélébrer" avec d’autres personnes que des prêtres catholiques. Il est
interdit de concélébrer avec un ministre protestant, avec un diacre, avec un
laïc…
-
Probable défaut d’intention. Le prêtre,
en équivalant son sacerdoce ministériel à celui du simple fidèle, nie par le
fait même la caractéristique propre au sacerdoce du prêtre, au moment de la
Messe, qui est celle de "prêtre sacrificateur". En effet, la Messe est un
sacrifice, celui du Christ pour le rachat des âmes. Lors de la Messe, et plus
précisément lors de la Consécration, c’est le Christ qui est à la fois la
Victime et le Prêtre offrant la victime.
Le prêtre qui consacre agit "in persona Christi",
c’est-à-dire qu’à travers lui, c’est la personne du Christ qui agit pour
accomplir le changement de la substance du pain et du vin en la substance de son
propre Corps et Sang.
Voilà donc ce que fait et veut faire l’Église lors de la
Consécration eucharistique. C’est là sa Foi, fondée sur l’enseignement du
Christ.
Si le prêtre ne conçoit plus son sacerdoce ainsi, alors il ne
peut plus avoir l’intention de "faire ce que fait l’Église" lorsqu’il consacre.
Si cette intention fait défaut, alors la consécration est invalide.
Lors de la Messe, les hosties et le vin à consacrer doivent se
trouver sur l’autel (ou la pierre d’autel) et plus précisément, au moment de la
Consécration, dans les mains du prêtre ou sur le linge d’autel appelé
"corporal", posé juste devant le prêtre célébrant. ‟Je veux consacrer tout ce
qui se trouve sur le corporal et dans mes mains” : telle est l’intention
normale et habituelle des prêtres, lorsqu’ils célèbrent la Messe :
S’ils placent le calice et/ou le ciboire plus loin sur l’autel,
en dehors du corporal, ils doivent formuler intérieurement l’intention de
consacrer ces matières-là précisément. S’ils ne formulent par cette intention,
soit de façon actuelle (c’est-à-dire : pour cette fois-là précisément)
soit de façon habituelle (par exemple : je veux que chaque fois que je
mettrai les espèces à consacrer ailleurs sur l’autel, elles soient consacrées),
alors la consécration sera invalide.
Donc, pour que la Consécration soit valide, le prêtre doit avoir
l’intention de consacrer les hosties ou le pain là où il se trouve, et cette
matière doit être physiquement présente.
‟La matière n’est plus physiquement présente quand elle est
trop éloignée; d’après un certain nombre d’auteurs, elle ne doit pas être
éloignée de plus de 10-20 pas.” (Précis de théologie morale
catholique, R.P. Héribert Jone. Avec Imprimatur)
Consacrer à distance le pain des fidèles est donc une pratique
qui invalide très probablement la consécration.
-
Matière douteuse. Le pain à consacrer
doit être de "pur froment", c’est-à-dire confectionné avec de la farine de blé
(froment) uniquement. Il ne peut pas être fait de farine de riz, d’avoine... ou
d’un mélange de blé et autres farines, tel le pain "multi grains" 1.
Dans l’Église de rite latin, le pain doit être azyme,
c’est-à-dire sans levain. Cependant, un pain avec levain, quoique matière
illicite, serait quand même matière valide.
Le pain à consacrer ne doit comporter que de la farine et de
l’eau. Toutefois, s’il contient de légères traces de levain, de sel ou de
lait, par exemple, il pourra encore être matière valide, étant encore une
substance de pain à l’eau. Mais un pain brioché aux raisins, par exemple, ne
serait pas matière valide.
Alors, qu’est-ce que contenait le pain apporté par les
paroissiens ? Il y a de forte chances que cette matière ait été invalide en soi.
Pour toutes ces raisons, la consécration décrite dans la
question est très probablement invalide. Dans ce cas, il n’y a pas eu de Messe,
car c’est la Consécration qui est le cœur de la Messe. Pas de Consécration
valide, pas de Messe, pas d’Eucharistie.
Si tel est le cas, il faut ajouter que l’Église prévoit des
sanctions pour tout prêtre qui feint (fait semblant) d’administrer un sacrement.
(Canon 1379)
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Si l’on a participé à une telle cérémonie, que faire avec le
pain en notre possession ?
Étant donné qu’il y a un risque, minime mais réel, que la
consécration ait été tout de même valide, il faut appliquer le principe de
précaution : traiter ce pain avec le plus grand respect, au cas où il serait
réellement le Corps du Christ.
Ceci signifie qu’il faut le consommer avec respect, le plus tôt
possible, en étant en "état de grâce" (sans faute grave non pardonnée sur la
conscience), et en prenant garde de ne pas perdre de parcelles, étant donné que
nous savons que le Corps du Christ est entièrement présent dans chaque parcelle
de pain consacré.
Si ce pain était conservé dans un contenant lavable (sac de
plastique, par exemple), il faut rincer soigneusement le contenant avec de l’eau
et consommer le liquide, pour ne perdre aucune parcelle. Si l’on ne peut
consommer l’eau, il faut en disposer de façon à éviter toute profanation. On la
versera en terre en un endroit que l’on ne piétine pas, par exemple au pied d’un
arbre. Surtout pas dans l’évier ou la toilette !
Si le contenant n’est pas lavable (par ex.: un sac de papier),
on le fera brûler et on disposera des cendres de la même façon que l’eau,
c’est-à-dire en les enterrant.
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Ne prenons jamais part à de telles cérémonies sacrilèges et à de
telles profanations. Dieu ne mérite pas cela. ■
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(1) Notons au passage que les hosties "brunes",
étant confectionnées de blé brut (farine non tamisée), sont quand même matière
valide ; car ce qui donne la couleur brune est tout simplement la partie du
grain de blé (le son) qu’on a conservée, tandis qu’on l’enlève lorsqu’on désire
une farine plus raffinée. Avec ou sans son, il s’agit de froment (blé).
Cependant, il est toujours préférable d’utiliser des hosties blanches, à cause
du symbolisme de pureté qui s’y rattache et qui convient davantage au Corps du
Christ.
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