Puissions-nous ne jamais y tomber.
(Tiré de "Physionomie des saints",
par Ernest Hello)
Les visions les plus singulières, les plus étonnantes,
les plus caractéristiques de sainte Françoise, sont les visions de l'Enfer.
D'innombrables supplices, variés comme les crimes,
lui furent montrés dans leur ensemble et dans leurs détails.
Elle vit l'or et l'argent, fondus, entassés par les démons
dans la gorge des avares. Elle vit des choses nombreuses,
singulières, détaillées, épouvantables. Elle vit les hiérarchies
des démons, leurs fonctions, leurs supplices, les crimes divers
auxquels ils président. Elle vit Lucifer, consacré à l'orgueil,
chef général des orgueilleux, roi de tous les démons et de
tous les damnés. Et ce roi est beaucoup plus malheureux que ses sujets.
L'enfer est divisé en trois parties: l'enfer supérieur,
l'enfer mitoyen, l'enfer inférieur.
Lucifer est au fond de l'enfer inférieur. Sous Lucifer, chef universel,
se trouvent trois chefs subordonnés à lui et préposés à tous les autres.
Asmodée, qui préside aux péchés de la chair: c'est un chérubin;
Mammon, qui préside aux péchés de l'avarice: il était un trône.
Il est intéressant de voir que l'argent fournit à lui seul une des
trois grandes catégories. Belzébuth préside aux péchés de l'idolâtrie:
tout crime qui tient aux pratiques de la magie, du spiritisme, etc.,
relève de Belzébuth. Belzébuth est particulièrement et spécialement
le prince des ténèbres. Il est torturé par les ténèbres; et c'est au moyen
des ténèbres qu'il torture ses victimes.
Une partie des démons reste en enfer; une autre partie réside en l'air;
une autre partie réside au milieu des hommes, cherchant qui dévorer.
Ceux qui restent en enfer donnent leurs ordres et envoient leurs députés;
ceux qui résident dans l'air agissent physiquement sur les perturbations
atmosphériques et telluriques, lancent partout leurs influences mauvaises,
empestent l'air physiquement et moralement. Leur but est spécialement de débiliter l'âme.
Quand les démons chargés de la terre voient une âme débilitée par l'influence des démons de l'air,
ils l'attaquent dans sa défaillance, pour la vaincre plus facilement.
Ils l'attaquent au moment où elle se défie de la Providence. Cette défiance,
dont les démons de l'air sont spécialement les inspirateurs, prépare l'âme à la
chute que les démons de la terre vont solliciter d'elle. Et d'abord, dès qu'elle est
affaiblie par la défiance, ils lui inspirent l'orgueil, où elle tombe d'autant plus
facilement qu'elle est plus débile.
Quand l'orgueil a augmenté sa faiblesse,
arrivent les démons de la chair, qui lui soufflent leur esprit; quand les démons
de la chair l'ont encore affaiblie, arrivent les démons chargés des crimes de l'argent;
et quand ceux-ci ont encore diminué en elle les ressources de la résistance, arrivent
les démons de l'idolâtrie, qui accomplissent et achèvent ce que les autres ont commencé.
Tous s'entendent pour le mal; et voici la loi de la chute:
Tout péché que l'on garde entraîne dans un autre péché.
Ainsi l'idolâtrie, la magie, le spiritisme attendent
au fond de l'abîme ceux qui, de précipices en précipices,
ont glissé dans leurs environs.
Toutes les choses de la hiérarchie céleste sont parodiées dans la hiérarchie infernale.
Nul démon ne peut tenter une âme sans une permission de Lucifer.
Les démons qui sont à poste fixe dans les enfers souffrent la peine du feu.
Les démons qui sont dans l'air ou sous la terre ne souffrent pas actuellement
la peine du feu; mais ils endurent d'autres supplices terribles,
et particulièrement la vue du bien que font les Saints.
L'homme qui fait le bien inflige aux démons une torture épouvantable.
Quand sainte Françoise était tentée, elle savait, à la nature et à la violence de la tentation,
de quelle hauteur était tombé l'ange tentateur, et à quelle hiérarchie il avait appartenu.
Quand une âme tombe en enfer, son démon tentateur est remercié
et félicité par une foule d'autres démons. Mais quand une âme est sauvée,
son démon tentateur est moqué par les autres démons et conduit devant Lucifer,
qui lui inflige un châtiment spécial distinct de ses autres tortures.
Ce démon entre quelquefois par la suite dans le corps des animaux ou
dans celui des hommes. Alors il se fait passer pour l'âme d'un mort.
Nous voyons que les pratiques modernes, plus connues depuis les tables tournantes,
étaient usitées de tout temps et décrites par sainte Françoise.
Quand un démon a réussi à perdre une âme, après condamnation de cette âme,
il devient le tentateur d'un autre homme; mais il est plus habile que la première fois.
Il profite de l'expérience que la victoire lui a donnée; il est plus habile et plus fort pour perdre.
Quand un homme est dans l'habitude du péché mortel,
sainte Françoise voit le démon non plus sur lui,
mais à côté. Après une excellente confession, le démon est affaibli;
la tentation n'a plus le même degré d'énergie.
Quand le nom de Jésus est prononcé saintement, sainte Françoise
voit les démons de l'air, de la terre et des enfers s'incliner
avec des tortures épouvantables, et d'autant plus épouvantables
qu'il est prononcé plus saintement. Si le nom de Dieu est prononcé dans le blasphème,
les démons sont encore obligés de s'incliner; mais un certain plaisir
est mêlé au chagrin que leur fait l'hommage qu'ils sont forcés de rendre.
Quand l'homme blasphème le nom de Dieu, les anges du ciel s'inclinent aussi.
Ils témoignent un respect immense. Ainsi les lèvres humaines, qui se meuvent
si facilement et qui prononcent si légèrement le nom terrible, produisent
dans tous les mondes des effets extraordinaires et éveillent des échos,
dont l'homme qui parle ici-bas ne soupçonne ni l'intensité ni la grandeur.
Le feu du purgatoire est très différent du feu de l'enfer.
Françoise voit le feu de l'enfer noir, celui du purgatoire clair,
avec une teinte rouge. Elle voit, non pas dans le purgatoire,
mais en dehors, l'ange gardien de la personne morte qui se tient
du côté droit, et le démon tentateur qui se tient du côté gauche.
L'ange gardien présente à Dieu les prières des vivants, offertes
pour l'âme qu'il assiste en purgatoire. Quant aux prières faites
pour des âmes qu'on croit en purgatoire et qui n'y sont pas, voici,
d'après sainte Françoise, comment se fait l'application:
si l'âme qu'on croit en purgatoire est déjà au ciel et n'a pas besoin de prières,
la prière faite pour elle s'applique aux autres âmes du purgatoire et
aussi au vivant qui a fait cette prière. Si l'âme qu'on croit en purgatoire
est en enfer, le mérite et l'efficacité de sa prière retombent tout entier
sur celui qui a prié et ne se partagent pas, comme dans l'hypothèse précédente.
Françoise voit dans le purgatoire trois demeures,
inégalement douloureuses et terribles. Dans cette division,
elle aperçoit encore des subdivisions. Partout le châtiment
offre un rapport exact avec le péché commis, avec la nature de
ce péché, ses causes, ses effets et toutes ses circonstances. ■
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