sommaire_biographies
vf
|
Pour la version
de
ce document,
cliquez sur l'icône.
(recommandé pour imprimer ou partager par courriel)
|
Les saints
Martyrs
de l'Ouganda
|
Même si les conditions de l'époque des martyrs de
l'Ouganda ne sont pas tout à fait les mêmes que celles
d'aujourd'hui, il ne faut jamais oublier que l'appel
d'hier à la sainteté, n'est pas différent de celui
d'aujourd'hui. C'est le même Jésus qui appelle, c'est le
même Ciel promis à ceux qui persévèrent, c'est la même
grâce qui est offerte. Prions pour nos jeunes, pour
leurs parents, pour les éducateurs.
Ces Saints habitaient une contrée au milieu de
l'Afrique, appelée Ouganda. Personne n'y avait
jamais prononcé le nom de Dieu et le démon y régnait
par l'esclavage, la sorcellerie et le cannibalisme.
Deux Pères Blancs, le P. Lourdel et le P.
Livinhac débarquèrent un jour chez ces pauvres
indigènes. Ils se présentèrent aussitôt au roi
Mutesa qui les accueillit pacifiquement et leur
accorda droit de cité.
Les dévoués missionnaires se faisaient tout à
tous en rendant tous les services possibles. Sept
mois à peine après l'ouverture du catéchuménat, ils
désignaient quelques sujets dignes d'être préparés
au baptême. Le roi Mutesa s'intéressait à ce que
prêchaient les Pères, mais leur prédication alluma
bientôt la colère des sorciers jaloux et des Arabes
qui pratiquaient le commerce des Noirs.
Pressentant la persécution, les Pères Lourdel et
Livinhac baptisèrent les indigènes déjà préparés et
se retirèrent au sud du lac Victoria avec quelques
jeunes Noirs qu'ils avaient rachetés. Comme la
variole décimait la population de cette contrée, les
missionnaires baptisèrent un grand nombre d'enfants
près de mourir.
Après trois ans d'exil, le roi Mutesa vint à
mourir. Son fils Mwanga, favorable à la nouvelle
religion, rappela les Pères Blancs au pays. Le 12
juillet 1885, la population ougandaise qui n'avait
rien oublié des multiples bienfaits des
missionnaires, accueillait triomphalement les Pères
Lourdel et Livinhac. Les Noirs qu'ils avaient
baptisés avant de partir, en avaient baptisé
d'autres; l'apostolat s'avérait florissant. Le
ministre du nouveau roi prit ombrage du succès des
chrétiens, surtout du chef des pages, Joseph Mukasa,
qui combattait leur immoralité.
MOTIFS RéELS
DE LA PERSéCUTION
La persécution était commencée. Elle devait
procurer le martyre à plus de cent victimes. Mais
l'Église ne donne la gloire de cette auréole que
moyennant les preuves les plus certaines. Les Pères
Blancs le comprirent bien et voilà pourquoi ils
limiteront plus tard leur enquête à vingt-deux
victimes.
Le procès commencé en 1887 reçut la déposition
sous serment de sept témoins, dont trois pages que
nous verrons condamnés, puis graciés. L'un d'entre
eux surtout, Denys Kamyouka, portera un témoignage
extrêmement précieux en nous confirmant le vrai
motif de la persécution.
Ce motif fut uniquement la pureté des mœurs des
jeunes pages chrétiens. Le roi avait une conduite
dépravée; il pratiquait le vice qui attira jadis,
sur Sodome, le feu du ciel et voulait faire de ses
pages, les complices de ses fautes. C'est parce que
ceux-ci lui résistèrent qu'il résolut de les faire
périr. Les chefs musulmans des tribus qui eux aussi
avaient une conduite abominable, ne voulaient pas
d'une religion qui les condamnait. Ils avaient
intérêt à exciter la haine sanguinaire du roi.
Ami et confident du roi, supérieurement doué,
Joseph aurait pu devenir le second personnage du
royaume, mais sa seule ambition était de réaliser en
lui et autour de lui, les enseignements du Christ.
Le ministre persuada le jeune roi que les chrétiens
voulaient s'emparer de son trône ; les sorciers
insistaient pour que les prétendus conspirateurs
soient promptement punis de mort. Mwanga céda à ces
fausses accusations et fit brûler Joseph Mukasa, le
15 novembre 1885.
«Quand j'aurai tué celui-là, dit le tyran, tous
les autres auront peur et abandonneront la religion
des Pères.» Contrairement à ces prévisions, les
conversions ne cessèrent de se multiplier. La nuit
qui suivit le martyre de Joseph, douze catéchumènes
sollicitèrent la grâce du baptême. Cent cinq autres
catéchumènes furent baptisés dans la semaine qui
suivit la mort de Joseph, parmi lesquels figuraient
onze des futurs martyrs.
Le 25 mai 1886, six mois après l'odieux meurtre
de Joseph, le roi revenant de chasse fit appeler un
de ses pages, nommé Denis, âgé de quatorze ans. En
l'interrogeant, Mwanga apprit qu'il étudiait le
catéchisme avec Muwafu, un jeune baptisé. Transporté
de rage, il l'égorgea avec sa lance empoisonnée. Les
bourreaux l'achevèrent le lendemain matin, 26 mai,
jour où le despote déclara officiellement la
persécution ouverte contre les chrétiens.
Le même jour, Mwanga fit mutiler et torturer le
jeune Honorat, mit la cangue (carcan dans lequel on
engageait le cou et les poignets du condamné) à un
néophyte appelé Jacques qui avait essayé autrefois
de le convertir à la religion chrétienne. Ensuite,
il fit assembler tous les pages chrétiens et ordonna
qu'on les amena pour être brûlés vifs sur le bûcher
de Namugongo. Jacques périt sur ce bûcher en
compagnie des autres martyrs, le 3 juin 1886, fête
de l'Ascension.
«On avait lié ensemble les jeunes de 18 à 25
ans, écrira le Père Lourdel ; les enfants étaient
également liés, et si étroitement serrés les uns
près des autres qu'ils ne pouvaient marcher sans se
heurter un peu. Je vis le petit Kizito rire de cette
bousculade comme s'il eût été en train de jouer avec
ses compagnons.» Ils sont en tout quinze
catholiques. Trois seront graciés à la dernière
minute. On compte officiellement vingt-deux martyrs
catholiques canonisés dont le martyre s'échelonne de
l'année 1885 à 1887.
Le groupe des condamnés marchait vers le lieu de
leur supplice, lorsqu'ils rencontrèrent un Noir
nommé Pontien. «Tu sais prier ?» questionna le
bourreau ; sur la réponse affirmative de Pontien, le
bourreau lui trancha la tête d'un coup de lance.
C'était le 26 mai 1886. Le soir venu, on immobilisa
les martyrs dans une cangue et on ramena de force à
la maison, le fils du bourreau, au nombre des
victimes. Après une longue marche exténuante,
doublée de mauvais traitements, les captifs
arrivèrent, le 27 mai, à Namugongo. Les bourreaux,
au nombre d'une centaine, répartirent les
prisonniers entre eux.
Les cruels exécuteurs travailleront jusqu'au 3
juin afin de rassembler tout le bois nécessaire au
bûcher. Les prisonniers doivent donc attendre six
longues journées de privations et de souffrances,
nuits de froid et d'insomnie, mais plus encore
d'ardentes prières, avant que la mort ne vienne
couronner leur héroïque combat. Le martèlement
frénétique des tam-tams qui se fit entendre toute la
nuit du 2 juin indiqua aux martyrs qui
languissaient, garrottés dans des huttes, que
l'immense brasier de leur suprême holocauste
s'allumerait très bientôt.
Charles Lwanga, magnifique athlète d'une vigueur
peu commune, à qui le roi avait confié un groupe de
pages auxquels il avait enseigné le catéchisme en
cachette, fut séparé de ses compagnons afin d'être
brûlé à part, d'une manière particulièrement atroce.
Le bourreau alluma les branchages de manière à ne
brûler d'abord que les pieds de sa victime. «Tu me
brûles, dit Charles, mais c'est comme si tu versais
de l'eau pour me laver !» Lorsque les flammes
attaquèrent la région du cœur, avant d'expirer,
Charles murmura : «Mon Dieu ! mon Dieu !»
Comme le groupe des martyrs avançait vers le
bûcher, un cri de triomphe retentit : Nwaga, le fils
du chef des bourreaux, avait réussi à s'enfuir de la
maison pour voler au martyre ! Il bondissait de joie
en se retrouvant dans la compagnie de ses amis. On
l'assomma d'abord d'un coup de massue, puis il fut
roulé avec les autres dans des claies de roseaux
pour devenir dans un instant la proie des flammes.
Après leur avoir brûlé les pieds, ils reçurent
la promesse d'une prompte délivrance s'ils
renonçaient à la prière. Mais ces héros ne
craignaient pas la mort de leur corps et devant leur
refus catégorique d'apostasier, on commença à
incendier le bûcher. Par-dessus le crépitement du
brasier et les clameurs des bourreaux sanguinaires,
la prière des saints martyrs s'éleva calme, ardente
et sereine : «Notre Père qui êtes aux cieux...» On
sut qu'ils étaient morts lorsqu'ils cessèrent de
prier.
Le dernier des martyrs s'appelait Jean-Marie.
Longtemps obligé de se cacher, las de sa vie
vagabonde, il désirait ardemment mourir pour sa foi.
Malgré les conseils de ses amis qui essayaient de le
dissuader de ce projet, Jean-Marie résolut d'aller
voir le roi Mwanga. Nul ne le revit plus jamais, car
le 27 janvier 1887, Mwanga le fit décapiter et jeter
dans un étang.
LE PLUS JEUNE
DES PAGES CHRéTIENS
Le plus jeune de ces nouveaux baptisés, Kisitto,
mérite une mention spéciale.
Enfant d'une douzaine d'années, il était le fils
d'un des plus grands seigneurs de l'Ouganda.
Plusieurs de ses frères avaient avant lui embrassé
la religion catholique et la pratiquaient avec un
courage remarquable. Son frère aîné, Paul
Naloubandwa fut le premier à se faire instruire et à
recevoir le baptême le 27 mars 1880. Il fut aussi le
premier à la tête d'un groupe de catéchumènes, à
rejoindre les missionnaires en exil.
Kisitto, plus exposé que d'autres à la cour à
cause de sa jeunesse et de sa grâce séduisante et de
la violente passion du roi, était l'objet de
l'incessante protection de Charles Lwanga qui
veillait à ne jamais le laisser seul près du prince
débauché.
En 1884, Kisitto accompagna Mgr Livinhac à la
côte d'où il essaya de rejoindre une petite escorte
de ravitaillement à Tabora. épuisé par la faim et la
maladie, il tomba au milieu de la route. Alors, il
conjura ses compagnons de ne pas s'exposer en
restant près de lui, à mourir eux-mêmes sans pouvoir
les sauver. Il leur fit ses adieux et attendit
courageusement que la faim ou la soif ou la dent des
hyènes vint mettre fin à ses souffrances.
La dévotion populaire aux martyrs de l'Ouganda
prit un essor universel, après que saint Pie X les
proclama Vénérables, le 16 août 1912. Leur
béatification eut lieu le 6 juin 1920 et ils
reçurent les honneurs de la canonisation, le 18
octobre 1964. ■
_____________________
Tiré de:
-
Marteau de Langle de Cary, 1959, tome II,
p. 305-308.
-
Vivante Afrique, No 234 - Bimestriel -
Sept - Oct. - 1964.
-
Les martyrs noirs de l'Ouganda,
Librairie Bloud et Gay.
|
www.revueenroute.jeminforme.org
Site produit par la revue "En Route".
Autorisation de diffuser ce document, avec mention de la source.
|
|