Lorsque Dieu créa le monde, Il le disposa dans
l'harmonie parfaite où il n'y avait pas de place
pour le péché et ses suites: souffrance, maladie,
mort. En péchant, nos premiers parents détruisirent
cette harmonie première et furent chassés du Paradis
Terrestre pour assumer le choix qu'ils avaient fait:
celui de se détourner librement de la Volonté de
Dieu et de Son Amour.
Mais Dieu eut pitié d'eux et
de leurs descendants: Il leur promit un Rédempteur.
De plus, la Genèse nous apprend qu'en perdant leur
innocence, Adam et Ève avaient maintenant conscience
et honte de leur nudité, de leur dépouillement
physique et spirituel devant Dieu. Le Père Céleste
leur fabriqua alors une tunique de peau dont Il les
revêtit. (Gen. 3, 6-24)
On pourrait comparer cette peau de bête à la
souffrance qui "colle à la peau" de tout homme dès
sa naissance et qui, permise par Dieu dans nos vies,
devient un vêtement servant à recouvrir le
dépouillement spirituel de nos âmes devant le
Créateur. La souffrance acceptée et offerte en union
avec celles de Jésus-Christ, est comme une tunique
de peau de bête que l'on échange, auprès de Dieu,
pour un riche et beau vêtement nommé "mérite". Le
Père Éternel ne permet la souffrance, dans notre
vie, que dans un dessein d'amour.
C'est pourquoi la souffrance vécue sans cet échange
divin est un gaspillage. Au contraire, la souffrance
vécue chrétiennement rend notre existence féconde.
Par elle, la personne souffrante fait plus pour le
salut du monde que si elle avait parcouru l'univers
en prêchant car, dans cette maladie qu'elle n'a pas
choisie, elle est certaine de faire la Volonté de
Dieu en étant là où Il la veut. "Il n'y a pas que
les ressorts qui font fonctionner une horloge. Il
faut aussi des poids, et j'en suis un", répondait
avec humour une grande malade à des infirmières.
Notre Sauveur nous dit: "Que celui qui M'aime prenne
sa croix, qu'il se renonce à lui-même et qu'il Me
suive." (Mc 16,24) C'est donc que l'acceptation
amoureuse de la Croix est possible, avec l'aide de
Dieu. "Ne dis pas: c'est impossible... Dis: je ne
l'ai pas encore fait." (Proverbe japonais)
Dieu n'envoie jamais de croix au-dessus de nos
forces; les forces qui semblent nous manquer, on les
obtient par la prière, et "UNE CROIX PLEINEMENT
ACCEPTÉE PERD LA MOITIÉ DE SON POIDS." (Bx Edouard
Poppe, ptre)
Mais ne nous y trompons pas: c'est l'AMOUR qui donne
à nos croix valeur et mérite. Car seul l'amour peut
consoler l'AMOUR (Dieu) de nos innombrables péchés
et tiédeurs. "Pas de plus grand AMOUR que de donner
sa vie pour ceux qu'on aime"... donner sa vie pour
Dieu, goutte à goutte, croix par croix, chaque jour,
sereinement et avec courage, le plus souvent dans
l'ombre: n'est-ce pas imiter Jésus et Marie?
Contemplons souvent Jésus dans Sa Passion, imitons
Marie au pied de la Croix et imprégnons-nous de son
amour maternel littéralement "labouré" par la
souffrance de son Enfant martyrisé pour nous.
Et espérons, car... "la Croix est l'échelle du
Ciel". (Saint Curé d'Ars) Après avoir été à l'école
de Jésus Crucifié, nous partagerons un jour Sa
Gloire qui ne finira jamais car la croix vécue dans
l'amour conduit à LA CROIX GLORIEUSE.
LA SOUFFRANCE
POUR LE SALUT DES AMES
Saint François de Sales disait avec humour: "On va
au Ciel avec un caillou dans le soulier". Et la
Bible s'écrie: "Celui qui n'a pas souffert, que
sait-il ?" Car la souffrance, inévitable dans nos
vies, devient une école de sagesse et un outil de
Salut lorsque vécue chrétiennement. Elle engendre la
paix intérieure, un accroissement de l'Amour et de
la Charité en notre âme et, par conséquence, nous
donne une puissance d'intercession incroyable sur le
Cœur de Dieu, en particulier pour le salut des
pécheurs.
Nous connaissons tous au moins quelqu'un de notre
entourage qui vit loin de Dieu, embourbé dans les
fausses maximes d'un monde sans-Dieu et souvent
complètement "anesthésié" dans sa conscience; bref,
un être cher qui chemine vers l'Enfer...
Irrémédiablement? Non, car nous avons le
POUVOIR DE
CHANGER LES CHOSES. Comment? Par nos PRIÈRES et nos
CROIX acceptées et offertes au Père, en union avec
celles du Christ, pour délivrer de l'emprise de
Satan ces personnes aimées de nous et tellement
AIMÉES DE DIEU.
Dieu seul convertit les âmes, mais Il veut avoir
besoin de nous comme autant d'humbles coopérateurs
au salut du monde.
La prière est puissante, mais la souffrance, les
mortifications volontaires ou non, ACCEPTÉES AVEC
AMOUR, sont souvent indispensables pour chasser
certains démons, ainsi que l'affirme Jésus Lui-même
dans l'Évangile (Mt 17,21).
Aux personnes handicapées ou dont la vie ressemble à
un cauchemar tant leurs souffrances morales ou
physiques sont grandes, Notre-Seigneur pourrait
adresser ces paroles de consolation:
"Ne jugez pas votre Créateur qui vous laisse vivre
ainsi, enclins à la colère et à toutes les
injustices de ceux qui se croient parfaits. Vous
vous voyez misérables, rampant pour vous déplacer,
ou munis de prothèses douloureuses, ou encore dans
des chaises roulantes. Je n'ai exercé sur vous ni
punition, ni injustice. Personne de vous n'est puni
par Dieu. Si Dieu consent à voir Ses enfants vivre
si misérablement, c'est parce que dans le Royaume
Éternel ils seront les plus beaux, ayant tout donné
à Dieu pour sauver les âmes en perdition."
Voilà un prodige de l'Amour du Père: tirer le Bien
du Mal, la Force de la Faiblesse... De là vient la
beauté et la fécondité spirituelle de toute personne
souffrante unie à son Rédempteur crucifié et
ressuscité pour nous. Prières et souffrances
offertes pour le salut éternel des pécheurs: voilà
la plus belle et la plus utile des pratiques...
..."car les justes sont sur le chemin du Ciel, les
âmes du Purgatoire sont sûres d'y entrer, mais les
pauvres pécheurs..." (Curé d'Ars)
"Priez beaucoup et faites des sacrifices pour les
pécheurs car beaucoup d'âmes vont en enfer parce
qu'il n'y a personne qui se sacrifie pour elles."
(Notre-Dame à Fatima)
L'ESSENTIEL, C'EST LE CIEL, même "attrapé par le
coin du manteau" à la dernière extrémité de notre
vie; c'est la grâce ultime que nous devons désirer
et obtenir pour nos amis, nos ennemis et l'humanité
entière.
Le pécheur restera toujours libre d'accepter le
Pardon Divin, mais les grâces obtenues par nos croix
quotidiennes seront, pour plusieurs d'entre eux, le
coup de main nécessaire pour rompre avec le Mal et
s'élancer dans le Cœur Miséricordieux du Père, au
jour de leur passage dans l'Éternité.
VOTRE SOUFFRANCE
POUR LES ÂMES DU PURGATOIRE
Appuyée sur les Saintes Écritures, la Tradition et
la raison, l'Église a défini comme
dogme l'existence
du Purgatoire dans lequel les âmes des défunts,
morts en état de grâce mais dont les suites du péché
n'ont pas été suffisamment expiées sur terre, se
purifient pour pouvoir ensuite accéder à la pleine
jouissance de Dieu, dans le Ciel.
Ces âmes (nos parents et amis défunts, entre autres)
aiment Dieu passionnément: à cause de cet amour,
elles souffrent d'une manière indicible car elles
sont attirées par Lui encore plus que la personne
mourant de soif n'est attirée par le puits. Au
Purgatoire, que le saint Curé d'Ars appelait
"l'infirmerie du Bon Dieu", les âmes
brûlent d'amour
et souffrent, selon la nature et la gravité de leurs
fautes, de peines ressenties comme si elles avaient
encore leur corps physique. "Les peines que l'on
endure au Purgatoire, dans le temps d'un simple clin
d'œil, sont pires que celles du plus douloureux
martyre." (S. Augustin)
Mais comme un jeune homme très amoureux ne voudrait
pas se présenter devant sa fiancée couvert de fumier
et dégageant une odeur nauséabonde, ainsi l'âme qui
se voit encore sale des traces du péché même "léger"
ne veut pas paraître devant son Bien-aimé avant
d'être totalement purifiée.
Et cette purification peut être très longue; à
Fatima, Notre-Dame révéla à Lucie que son amie
Amélia était au Purgatoire jusqu'à la fin du
monde... (Fatima, 13 mai 1917)
D'autre part, "la Providence de Dieu fournit
toujours à chacun les purifications nécessaires
durant sa vie sur la terre, pour lui permettre
d'aller droit au Ciel à l'heure de la mort."
(S.Jean
de la Croix) C'est le "régime de la Miséricorde
divine".
Mais, passé le voile de la mort, vient le
temps de la récompense ou du châtiment, suivant
notre réponse ultime et définitive à l'Amour de
Dieu: c'est alors le "régime de la Justice". Nos
défunts ne peuvent plus mériter car ils ont
DÉFINITIVEMENT fixé leur liberté sur Dieu ou sur
Satan:
"Les souffrances sur la terre n'ont pas la
même valeur qu'au Purgatoire. Quand on souffre sur
la terre, on peut grandir dans l'amour, on peut
gagner des mérites, ce qui n'est pas le cas au
Purgatoire où celles-ci servent seulement à nous
purifier du péché." (Maria Simma, dans "L'étonnant
secret des âmes du Purgatoire")
Les âmes du Purgatoire ont besoin de nous pour
abréger l'intensité et la durée de leurs
souffrances.
"De mon souvenir ou de mon oubli dépend
en partie le bonheur ou le malheur de celui qui m'a
été cher et qui est maintenant passé sur l'autre
rive, mais ne cesse pas d'avoir besoin de mon
amour". (Cardinal Joseph Ratzinger, Entretiens sur
la Foi)
Quelle cruauté consiste à "envoyer" trop
vite nos défunts au Ciel, au risque de négliger de
les secourir par des Messes, prières, aumônes,
jeûnes et par toutes nos souffrances patiemment
supportées et offertes à Jésus en leur faveur...
|
"Je souffre
la nuit pour les âmes du Purgatoire et, le
jour, pour la conversion des pécheurs."
Saint Curé
d'Ars |
|
"La pratique de la prière pour la délivrance des
âmes du Purgatoire est, après celle pour la
conversion des pécheurs, la plus agréable à Dieu".
(S. Curé d'Ars)
À plus forte raison, celle de
l'offrande de nos souffrances... Pour soulager les
membres de l'Église souffrante, la bienheureuse Christine l'Admirable (après avoir vu le Purgatoire,
par permission divine) choisit, à la proposition de
Dieu, de revenir souffrir ici-bas. Dieu la
ressuscita donc en présence de ceux qui déjà
l'ensevelissaient! Miracle qui démontre à quel point
Dieu a souci de tous ses enfants dans la peine...
Nous pouvons même aller jusqu'à céder, en faveur des
âmes du Purgatoire, tous les mérites satisfactoires
(1) de nos bonnes œuvres accomplies durant cette vie,
toutes les indulgences déjà gagnées (par nous) et à
venir, ainsi que tous les secours spirituels et
indulgences qui nous seront obtenus par autrui après
notre mort: c'est ce qu'on appelle
" l'acte héroïque
de charité ". Il est certain que, face à un tel
débordement d'amour de notre part, Dieu ne saurait
résister puisque "au soir de notre vie, nous serons
jugés sur l'amour" et que, nous étant fait pauvres
spirituellement pour Lui, Il ne pourra qu'incliner
son Divin Cœur vers nous, suivant Sa Parole: "Le
Seigneur délivrera l'indigent qui l'implore, le
pauvre sans appui qui l'appelle; Il prendra en pitié
le faible et l'indigent, Il sauvera la vie des
malheureux (...) et à Ses Yeux leur épreuve aura du
prix." (Ps 71, 12-14)
"Tout ce que nous donnons par charité aux âmes des
défunts, se change en grâces pour nous, et après
notre mort, nous en trouvons le mérite cent fois
"doublé". (S. Ambroise)
Et n'oublions pas que si les âmes du Purgatoire ne
peuvent rien pour elles-mêmes, elles peuvent
cependant beaucoup auprès de Dieu en faveur de leurs
bienfaiteurs de la terre, une fois introduites dans
la Céleste Patrie: "L'union d'amour contractée avec
elles au temps de l'épreuve se fortifiera et
s'épanouira pour nous en grâces de sainteté après
leur entrée dans la gloire." (F. Ernest Mura, "Le
Corps mystique du Christ")
LA SOUFFRANCE HUMANISE DIEU
ET DIVINISE L'HOMME
La croix est inévitable. Mais la souffrance
vécue
chrétiennement est source de mérites pour soi-même,
de grâces de conversion pour autrui, et de
soulagement pour les âmes du purgatoire.
Plus
encore, elle identifie l'être humain à son Maître
bien-aimé en le rendant semblable à Lui jusqu'en
l'étape ultime, celle qu'II appelait "mon heure": la
Passion. Si Dieu s'est fait l'un de nous en tout
(hormis le péché) jusqu'à la mort, Il nous a
également demandé d'être parfaits à son image, et
cette image ne saurait être complète sans la
souffrance. Mais attention: pas la souffrance pour
elle-même, mais pour les bienfaits de sanctification
qu'elle procure, pour l'amour qu'elle exprime.
"On apprend à aimer et on aime vraiment que dans la
souffrance et par la souffrance." (Marthe Robin,
stigmatisée, 1927)
Y a-t-il, en effet, une plus grande preuve d'amour
que de TOUT DONNER, jusqu'à la dernière goutte de
son Sang, jusqu'à sa volonté humaine, jusqu'à sa
propre Mère, pour un être aimé souvent ingrat et
infidèle? JÉSUS L'A FAIT POUR CHACUN D'ENTRE NOUS...
Et nous? Savons-nous perdre notre vie pour la
gagner? Perdre notre vie, c'est-à-dire accepter nos
limites physiques, intellectuelles, psychologiques,
spirituelles, matérielles... devoir obéir à des
supérieurs fâcheux, être la proie de calomnies,
médisances, humiliations, mauvais coups... subir
l'abandon de nos proches et amis... toutes ces
choses qui nous font parfois pleurer des larmes de
sang, comme en un second Gethsémani?
En septembre
1930, Jésus apparaissait à Marthe Robin qui n'était
pas encore stigmatisée, lui demandant: "Veux-tu être
comme Moi?" On connaît la suite et les fruits
spirituels abondants qui ont découlé du ministère de
souffrance de Marthe Robin qui a fondé les "Foyers
de Charité" qu'on retrouve aujourd'hui en maints
endroits dans le monde.
Jésus doit être le modèle de l'âme souffrante. Sa
sainte image doit être gravée au plus profond du
cœur, comme l'ancre qui empêche le bateau de dériver
dans la tempête.
"Un jour, un homme était entré avec quelques jeunes
missionnaires dans une maison de thé, en Chine. A
titre d'exemple, après qu'on leur eût servi à chacun
un bol de thé, l'homme donna un coup de poing subit
sur la table et le thé jaillit des bols et se
répandit sur le meuble. «En Chine», dit-il alors,
«vous allez recevoir les coups les plus variés, et
ce qui est en vous jaillira au dehors. Si le Christ
est votre vie, chaque fois que vous serez frappés,
c'est la vie de Jésus qui jaillira de votre
souffrance sur votre prochain, comme le thé s'est
répandu du bol sur la table.»
Cette "Chine", c'est notre vie à chacun, et notre
champs de mission est le monde entier, à commencer
par notre milieu familial et social. Ainsi, la
personne souffrante toute remplie de Dieu ne peut
que donner Dieu à ses frères, comme Jésus l'a fait
durant toute sa vie terrestre.
Les saints, qui voient les choses au-delà des
apparences, considèrent la souffrance comme une
grâce:
"Si nous sommes enfants, nous sommes aussi
héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers du
Christ, puisque nous souffrons avec Lui afin d'être
glorifiés aussi avec Lui. (...)
Toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux
qu'II a appelés selon son dessein. Car ceux que
d'avance Il a connus, Il les a aussi prédestinés à
être conformes à l'Image de son Fils. " (Rom. 8, 17 et
28-29)
Ce qui faisait dire, à sainte Thérèse, avec
humour: "Ah! Seigneur, je ne suis pas surprise que
Vous ayez si peu d'amis! " Elle qui écrivait aussi,
par ailleurs: "Le Bon Dieu t'aime et te comble de
ses grâces... Il te trouve digne de souffrir pour
son amour et c'est la plus grande preuve de
tendresse qu'II puisse te donner, car c'est la
souffrance qui nous rend semblables à Lui." (LT 173)
La souffrance est souvent vue comme "inutile" et
donc "injuste", lorsqu'elle frappe les enfants, les
innocents; mais Jésus n'était-II pas
l'Innocence
personnifiée? Et pourtant Sa souffrance a accompli
l'œuvre la plus extraordinaire de tous les temps: la
Rédemption.
Mais, dira-t-on, les enfants ne savent
pas encore s'offrir... Savons-nous quand Dieu parle
en eux? Le langage de Dieu est un langage spirituel.
L'Âme le comprend et l'Âme n'a pas d'âge. L'Église
nous enseigne que le Salut est offert à tous sans
exception. ("d'une façon que Dieu connait"
(2) pour ceux
qui ne peuvent recevoir le Sacrement de Baptême
(3) ), et ce Salut
ne s'obtient pas sans une adhésion libre et
surnaturellement éclairée de l'âme avant d'entrer
dans l'éternité; alors, si Dieu offre à tous cette
opportunité, ne peut-on pas penser qu'II leur
offrira aussi celle d'offrir leur souffrance pour en
faire un instrument de salut et de réparation pour
eux et le monde entier? Pensons aux Saints Innocents
qui, rappelons-le, n’avaient pas plus de deux ans
lors de leur exécution, et que l’Église considère
comme parés de la couronne et de la récompense des
martyrs ayant versé leur sang pour Jésus-Christ.
Lorsque Jésus mourut les pieds et les poignets
cloués sur la croix, l'œil humain ne pouvait que
constater un échec, une mort les mains vides... Mais
l'œil de Dieu et de ceux qui Le suivront par la
suite, voyant au-delà du terrestre, savent que cette
crucifixion humiliante a été, en faits,
l'humiliante
défaite de Satan; et que ces Mains apparemment vides
étaient en réalité pleines du trésor de grâces, de
pardons, de bénédictions, d'Amour, de Salut...
répandu sur les âmes, du haut de la Croix, à travers
les âges: "Lorsque Je serai élevé de terre,
J'attirerai tout à Moi."
Ressembler à Jésus jusque dans Sa Passion, c'est
partager son apparente inutilité, son apparent
anéantissement; mais c'est aussi, et surtout,
participer efficacement à la cuisante défaite des
forces du Mal: "Lorsque je suis faible, c'est alors
que je suis puissant." (2 Cor 12, 10)
C'est collaborer réellement
au salut des âmes (à
commencer par la mienne !) pour la plus grande
gloire de Dieu.
C'est permettre à l'humanité de donner sa pleine
mesure d'amour: "Au soir de cette vie, vous serez
jugés sur l'amour".
NOUS APITOYER
SUR NOTRE SORT?
Si la souffrance est inévitable, si on peut en
expliquer la naissance par le péché originel et nos
péchés personnels, si on peut entrevoir les effets
salutaires de la souffrance vécue chrétiennement, il
n'en demeure pas moins qu'elle constitue à nos yeux
un grand mystère. Mais, pour un Chrétien, un mystère
n'est pas un "manque de signification" mais plutôt
un "excès de sens", comme une lumière si
éblouissante que l'œil humain est physiquement
incapable d'en supporter l'éclat.
C'est pourquoi, lorsque notre souffrance ne peut
plus être soulagée par la science humaine, et que la
douleur morale ou physique est si aigüe qu'elle est
à peine supportable, l'heure n'est plus aux
explications, mais à l'abandon entre les Mains de
Dieu.
L'enfant qui a mal n'analyse pas sa douleur mais, en
pleurant, il court se jeter dans les bras de sa mère
en attendant d'elle sa consolation. Nous devons
faire de même envers Dieu dans nos moments de
détresse: "Mon Dieu, vois comme j'ai mal. Montre-moi
comment faire ta Volonté." Ce cri du cœur nous
détache de nous-mêmes et de notre misère, pour nous
tourner vers Dieu. Dans cette simple prière se
retrouvent à la fois: reconnaissance de notre
incapacité personnelle et de la Toute-puissance de
Dieu, désir de Lui plaire, attente confiante en sa
Bonté.
"Le Christ n'est pas venu dans le monde pour
expliquer la Croix mais pour la remplir de Sa
Présence." (Claudel)
Seul cette Présence peut rendre la douleur
acceptable et féconde. En demandant à Dieu de faire
sa Volonté, nous reconnaissons que nous avons notre
part à accomplir dans son Plan Divin, quelle que
soit notre condition; et nous acceptons à l'avance
Sa décision en tout. Évidemment, une telle attitude
n'est pas naturelle à l'homme, toujours enclin à la
révolte. Un des meilleurs moyens pour parvenir à ce
serein abandon filial, c'est de contempler Jésus
dans sa Passion: sa Patience, son Humilité, son
Amour pour son Père et pour ceux-là même qui Le
torturaient (c'est-à-dire: nous, en vérité), sa
préoccupation d'autrui (femmes de Jérusalem, sa
Mère, saint Jean, le soldat à l'oreille tranchée,
etc.) sont autant d'encouragements pour nous à
L'imiter dans sa Souffrance pour pouvoir un jour
L'imiter dans sa Gloire.
"Pour souffrir avec résignation et en paix les maux
présents, il ne suffit pas de penser légèrement, et
quelquefois seulement dans l'année, à la passion de
Jésus-Christ, il faut y réfléchir souvent, et jeter
au moins chaque jour un regard sur les peines que
Notre-Seigneur a souffertes pour l'amour de nous."
(S. Alphonse de Liguori)
Si nous sommes sincères dans cette disposition du
cœur, Dieu ne tardera pas à nous répondre en nous
indiquant sa Volonté par des grâces diverses,
appropriées aux besoins de chacun. Pour certains, ce
pourra être un appel à la conversion ou à accorder
un pardon refusé jusqu'alors à autrui, une
incitation à offrir notre souffrance pour quelqu'un
en particulier, un accroissement de notre compassion
aux Souffrances du Christ, le rappel d'une faute à
réparer, un meilleur discernement spirituel, etc. Sa
Volonté voudra peut-être aussi nous guérir... Sinon,
notre Père Céleste nous accordera d'autres grâces
plus profitables pour nous, comme l'acceptation
chrétienne de notre état.
Bien sûr, certains ne choisissent pas cette voie
salutaire. La souffrance, mal vécue, leur fait
perdre la Foi. Ils prétendent alors que Dieu a été
inventé par les hommes, à cause de la souffrance,
pour leur servir de "béquille"...
"Prenez un enfant de deux ou trois ans, mettez-le
dans une pièce et éteignez la lumière. Que
dira-t-il? "Maman!" évidemment. A votre avis, c'est
l'obscurité qui a créé la mère? Bien sûr que non! La
mère que réclame l'enfant plongé dans le noir existe
avant que la chambre de l'enfant en question soit
dans l'obscurité. Il en va de même pour la douleur.
Ceux qui implorent Dieu dans l'épreuve de la
souffrance n'inventent pas plus Dieu que l'enfant
n'invente sa mère en s'écriant "Maman !" quand il a
peur". (Mgr Francesco Folio, observateur permanent
du Saint Siège auprès de l'Unesco et organisateur du
colloque "La douleur: énigme ou mystère", décembre
2003)
C'est une évidence: la Foi est bonne pour la santé,
parce qu'elle est porteuse d'espérance, de vérité et
d'amour. Tous les médecins disent bien que LES
MALADES QUI ONT LA FOI GUÉRISSENT PLUS VITE ET
SOUFFRENT MOINS.
D'autre part, certaines personnes se plaignent
continuellement, empoisonnant ainsi littéralement la
vie de leurs proches. Saint François d'Assise disait
à ce sujet: "Ta misère, elle regarde le Seigneur.
Les autres, ils attendent ta joie."
D'autres encore ne cessent de gémir intérieurement
sur leur sort, de regretter la santé qu'ils n'ont
plus ou celle qu'ils auraient pu posséder... Cette
attitude n'améliore pas leur condition, au contraire! A force de mettre le focus sur nos souffrances,
nous en venons à ne voir qu'elles, comme à travers
une loupe grossissante; ainsi, nous ne pouvons plus
tourner le regard vers Dieu, tout occupés que nous
sommes à notre petit "moi" égoïste. Le conducteur
qui veut avancer doit tourner le regard vers
l'avant, et non vers l'arrière.
L'attitude la meilleure est encore de donner la main
à Jésus Crucifié et, avec lui, de lancer vers Dieu
cette parole: "Père ! Entre tes mains je remets mon
esprit". Offrons-lui notre "rien" pour qu'Il puisse
le remplir de son "tout".
Même dans la souffrance il y a place pour la paix
intérieure et l'amour. Devenons donc semblables aux
petits enfants, en ayant la sagesse de placer une
confiance illimitée en notre Père Céleste, car
"le
Royaume des Cieux appartient aux enfants et à ceux
qui leur ressemblent". ■
Marie Chantal
_________________________
(1)
C'est-à-dire qui ont la vertu
d'acquitter les dettes du péché.
(2)
Catéchisme de l'Église
Catholique, #1260.
(3)
Restant sauve l'obligation, pour
toute personne non empêchée, de recevoir le
Sacrement de Baptême pour pouvoir accéder au Royaume
des Cieux, ceci étant la voie normale choisie par
Dieu pour l'humanité. Lire Jean 3,5 et Mathieu
28,19.