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LE SCRUPULE:
une maladie dont on
peut guérir !
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Une confession
générale précédée d’un examen complet de sa vie est,
pour la plupart des gens, un exercice salutaire à
l’âme : pour les personnes dont la conscience est
droite et éclairée ; et encore plus pour les
personnes dont la conscience est trop large (trop
" élastique "…) et qui ont besoin d’un guide pour
les ramener à une plus juste vision de la gravité de
leurs actes.
Il est cependant
certaines personnes qui, avant de recourir à une
telle pratique, devront prendre conseil d’un prêtre
sage, pieux et compétent : nous parlons ici des
personnes dont la conscience est timorée,
scrupuleuse.
QU’EST-CE QUE LE SCRUPULE ?
Disons tout de suite que le scrupule
n’est pas de la folie.
Il n’est pas non plus un acte intellectuel ou un
raisonnement. (Le scrupule peut venir
exceptionnellement de l’ignorance au sujet de la
moralité de certains actes ; dans ce cas, dès que le
scrupuleux est renseigné exactement, il retrouve la
paix.)
Ce qu’il est : un affolement de la sensibilité, une
émotion caractérisée par la peur, une sorte de
phobie angoissante qui rend la personne qui en est
victime obsédée par le doute d’avoir péché, par
l’impossibilité d’avoir une certitude sur l’état de
son âme. Cet état est particulièrement pénible en ce
qui a trait à la communion et à la confession.
Plusieurs scrupuleux, à tort, se croient damnés.
Voici comment ils traduisent leurs inquiétudes :
« Il me semble que j’ai
commis telle faute,
se dit le scrupuleux ; il me
semble que cette faute devait être grave et,
pour plus de sûreté, je vais l’accuser encore une
fois ; il me semble que j’ai
consenti à telle mauvaise pensée ;
il me semble que j’ai oublié d’accuser cet
autre péché dans mes confessions précédentes ;
il me semble que le
confesseur m’a mal compris et que je me suis mal
exprimé ; il me semble que
j’ai consenti à cette mauvaise impression qui
m’obsède à la journée,
etc. Pour
avoir la paix, je ferai une autre confession
générale. Il me semble que
je ne suis pas en état de grâce. J’ai
peut-être avalé quelque
chose qui a rompu le jeûne eucharistique. Pour plus
de sûreté et pour éviter une possible communion
sacrilège, je n’irai pas communier. »
Tel est, en résumé, l’état d’âme du scrupuleux.
Remarquons : il n’y a jamais d’évidences, mais
toujours des doutes. La peur d’avoir commis une
faute, peur mal fondée, persiste, torture l’âme,
produisant une obsession angoissante qui ronge le
scrupuleux et met en échec sa raison dans le domaine
de la conscience morale dont il n’est plus le
maître.1
D’autre part, on peut être scrupuleux dans tous les
domaines relatifs à la conscience, ou sur certains
points seulement.
EN LIEN éTROIT
AVEC LE CORPS PHYSIQUE
Le scrupule est rarement dissocié d’un état physique
déficient qui le précède ou l’accompagne. Il est
évident qu’une dépression nerveuse ou un " burn
out ", par exemple, peut préparer le terrain à une
conscience timorée qui de viendra franchement
scrupuleuse. Inversement, les tourments intérieurs
intenses occasionnés par le scrupule finissent très
souvent par engendrer des malaises ou maladies
reliés au stress.
UNE MALADIE SPIRITUELLE
HUMILIANTE ET DOULOUREUSE
Ce qui ajoute au mal du scrupuleux, c’est de se
savoir intelligent et, pourtant, dans
l’impossibilité de maîtriser son malaise ou de le
cacher aux yeux des autres.
« Non seulement le scrupuleux souffre de son
scrupule, écrit
l’abbé Arnaud d’Agnel, mais il en éprouve un
sentiment de honte ; à ses yeux, c’est une véritable
infirmité, une sorte de déchéance qu’il dissimule de
son mieux. Chose curieuse, lui si faible, aux prises
avec l’idée obsédante, déploie de l’énergie pour
cacher sous un masque rieur l’inquiétude qui le
dévore ; quel tourment, en effet, que d’avoir
conscience de penser (il serait mieux d’écrire :
" de sentir ") d’une manière déraisonnable alors que
l’on se sent, dans le fond de soi-même, un homme de
bon sens ».
De grands saints ont connu l’épreuve des scrupules,
tel saint Maximilien Kolbe, qui en guérit, et dont
l’expérience lui fut grandement utile, plus tard,
lorsqu’il eut lui-même la tâche de diriger l’âme
d’un religieux atteint du même mal.
On peut également lire, dans " Histoire d’une
âme ", que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus fut
torturée deux années entières par le scrupule :
« Ce fut pendant ma retraite de seconde communion
que je me vis assaillie par la terrible maladie des
scrupules. Il faut avoir passé par ce martyre pour
le bien comprendre. Dire ce que j’ai souffert
pendant près de deux ans me serait impossible !
Toutes mes pensées et mes actions les plus simples
me devenaient un sujet de trouble et d’angoisse. Je
n’avais de repos qu’après avoir tout confié à Marie…
Aussitôt mon fardeau déposé, je goûtais un instant
de paix ; mais cette paix passait comme un éclair et
mon martyre recommençait ! »
PROVENANCE DES SCRUPULES
Les causes secondaires peuvent être aussi
nombreuses que le nombre de personnes atteintes du
scrupule. Il est donc impensable d’en faire ici la
nomenclature. Cependant, dans son ouvrage
" Précis de théologie ascétique et mystique ",
l’auteur Ad. Tanquerey mentionne quelques catégories
de causes possibles :
- Causes naturelles : maladie physique, esprit trop
méticuleux, esprit mal éclairé, esprit entêté…
- Causes préternaturelles2 :
épreuve d’expiation de nos péchés, pour nous faire
nous détacher des consolations sensibles, châtiment
de fautes d’orgueil… ; trouble jeté par le démon
pour nous éloigner de la Communion ou nuire à
l’accomplissement de notre devoir d’état…
L’âme scrupuleuse doit seulement retenir ceci : rien
n’arrive qui ne soit voulu ou permis par Dieu, et
l’épreuve des scrupules fait partie de ce lot
d’échardes qui forment la croix de cette personne.
Elle doit donc reconnaître et accepter son état en
toute soumission à la volonté de Dieu, ce qui veut
dire sans se révolter ou se désespérer.
« Mon Dieu, vous voulez cette épreuve pour moi, pour
mon bien ; que votre Volonté soit faite, et non la
mienne. »
Cette attitude ne sous-entend cependant pas qu’il ne
faille pas se soigner et chercher à guérir des
scrupules; c’est même un devoir
voulu par Dieu.
CONSCIENCE DéLICATE
ET CONSCIENCE SCRUPULEUSE
Il importe cependant de bien distinguer la
conscience scrupuleuse de la conscience délicate ou
timorée.
a) Le point de départ n’est pas le même : la
conscience délicate aime Dieu avec ferveur et, pour
Lui plaire, veut éviter les moindres fautes, les
moindres imperfections volontaires ; le scrupuleux
est guidé par un certain égoïsme qui lui fait
désirer trop ardemment d’être sûr de posséder l’état
de grâce.
b) La conscience délicate, ayant horreur du péché et
connaissant sa faiblesse, a une crainte fondée, mais
non troublante, de déplaire à Dieu ; le scrupuleux
entretient des craintes futiles de pécher en toute
circonstance.
c) La conscience timorée sait maintenir la
distinction entre le péché mortel et véniel et, en
cas de doute, se soumet immédiatement au jugement de
son directeur ; le scrupuleux discute âprement avec
son directeur et ne se soumet que difficilement à
ses décisions.
S’il faut éviter avec soin le scrupule, il n’est
rien de plus précieux, au contraire, qu’une
conscience délicate.3
ON PEUT GUéRIR
DU SCRUPULE
Malgré l’acuité de leurs angoisses, saint Maximilien
et sainte Thérèse ont fini par retrouver la paix de
l’âme. Le scrupuleux peut donc guérir. Mais
comment ?
D’abord le malade doit vouloir
guérir.
Ensuite, le " tombeau du scrupule " consiste en
l’obéissance totale, aveugle, au
directeur spirituel. Oui, le scrupuleux doit
se mettre sous la gouverne d’un bon prêtre sage,
pieux, éclairé et ferme, à qui il puisse accorder sa
confiance. Le scrupuleux ne doit changer de
directeur spirituel qu’en cas de grave nécessité.
Une conscience scrupuleuse est une conscience dont
la lumière s’est obscurcie, il faut avoir recours à
une autre lumière. C’est aussi un navire sans
gouvernail ni boussole : il faut le prendre en
remorque. Envers le directeur spirituel, la personne
scrupuleuse doit être d’une transparence absolue,
lui dévoilant les beaux et mauvais côtés de son âme,
de sa personnalité, de sa vie, de sa santé au
besoin. Ceci afin de permettre au directeur de bien
juger de la situation particulière de la personne,
et de lui permettre d’apporter les bons remèdes qui
s’imposent. Rappelons-nous que dans le cas de
scrupules, le Bon Dieu ne veut pas
nous faire connaître l’état de notre âme, mais le
faire connaître à celui qu’Il a établi juge en cette
matière. Il faut se confier à notre
confesseur et lui demander de prendre la
responsabilité de nos troubles. Il faut lui obéir
sans ergoter, tant sur la fréquence de nos
confessions, que sur la façon de faire notre examen
de conscience, la façon de s’accuser en confession,
les prières à faire ou ne pas faire, l’attitude à
adopter pour savoir si on peut ou non communier,
etc.
Une telle obéissance sera dure au scrupuleux, du
moins au début ; il aura l’impression d’être lâche,
de se diminuer, d’aller contre sa conscience, de
marcher droit au précipice… Il faudra apprendre la
confiance absolue en Dieu, la voie de l’enfance
spirituelle et de l’abandon ce qui, malgré les
apparences contraires, est une voie " virile " qui
exige de la force d’âme et une volonté ferme, en
même temps qu’un cœur aimant. Il lui faudra
apprendre à tourner son regard vers Dieu plutôt que
vers sa propre personne.
à propos de l’obéissance, source de paix et de
grande liberté intérieure, saint Maximilien Kolbe
disait :
« Mes supérieurs peuvent se tromper, moi je ne me
trompe pas en obéissant. Si aujourd’hui l’obéissance
me dit " oui " et si demain elle me dit " non ",
aujourd’hui oui je le ferai, et demain non je ne le
ferai pas, et je ne dirai jamais que je me suis
trompé… »
Pourquoi une telle assurance ? Parce qu’en ses
supérieurs saint Maximilien reconnaissait les
représentants de Dieu ; et que Dieu Lui-même a
promis, dans la Bible, que " tout concoure au
bien de ceux qui L’aiment ". La personne qui
veut aimer Dieu, même si elle
ne sent pas qu’elle L’aime,
L’aime déjà au moins à un certain degré. Et Dieu
sera toujours fidèle à Sa Parole.
EN ATTENDANT…
Il se peut qu’un certain temps s’écoule avant que la
personne scrupuleuse puisse trouver un prêtre
compétent qui accepte de devenir son directeur
spirituel. Dieu ne l’abandonne pas pour autant et Il
lui ménage des grâces d’état afin qu’elle puisse
commencer un processus de guérison et porter des
fruits spirituels, en dépit et par son épreuve.
Tout d’abord, afin que cette souffrance ne soit pas
inutile, offrons-la à Dieu, en union avec celles du
Christ, pour la conversion des pécheurs, le
soulagement des âmes du purgatoire, notre famille,
la paix dans le monde, notre futur directeur d’âme,
etc. ; les intentions ne manquent pas.
Comme cette sensibilité affolée qu’est le scrupule
vient souvent du surmenage, le scrupuleux doit
savoir se reposer, vivre dans la paix en pratiquant
des activités saines et calmes, dans la nature, par
exemple. Et, au besoin, consulter un médecin pour
régler ses problèmes de santé.
Quant au traitement moral, le remède le plus
efficace, c’est la communion ! Oui, la communion
fréquente sans confession ! La communion en évitant
bien, auparavant, de se " gratter " la conscience.
Un scrupuleux qui accepte de communier est à moitié
guéri. La grande affaire c’est de se décider, car on
a toujours cette crainte de faire une communion
sacrilège.
Nous savons que faire un faux serment est une faute
très grave ; alors, lorsque le doute d’avoir péché
se présente, demandons-nous si nous serions capable
de mettre la main sur l’évangile et de jurer que
nous avons commis, volontairement et en toute
connaissance de cause, telle ou telle faute qui nous
trouble… Si nous ne pouvons pas faire ce serment,
nous pouvons aller communier en toute sécurité. Car
la marque la plus expresse qu’on n’a pas consenti au
péché, c’est précisément le doute oà l’on est de
l’avoir fait.
De même, dans ses activités quotidiennes, le
scrupuleux doit se rappeler cet axiome théologique :
« Toute obligation douteuse est une obligation
nulle ».
« En fait d’obligation de conscience, obligation
sous peine de péché mortel ou de péché véniel, ou
d’imperfection, il n’y a que des
éVIDENCES qui comptent… une
CERTITUDE calme, pleine, fulgurante… Si
l’évidence ne porte que sur l’imperfection, il n’y a
pas de péché ; si elle ne porte que sur le péché
sans dire s’il est mortel, il n’est pas mortel, mais
seulement véniel 4».
C’est à la lumière de ces principes et en obéissant
à son directeur que le scrupuleux doit conduire sa
vie. Il trouvera ainsi enfin la paix et la joie, et
il guérira bientôt. Les âmes scrupuleuses peuvent
devenir de grandes saintes, à condition qu’elles
veuillent obéir… et s’en remettre entièrement à
celui qui les dirige. ■
Marie Chantal
__________________
1) Extraits de
"Toute la Messe vécue", par P. Richer-Marie
Beaubien, o.f.m.
2)
Préternaturel : en-dehors des
lois de la nature.
3) "Précis
de théologie ascétique et mystique", Ad.Tanquerey.
4) "Le
gouvernement de soi-même", par le Père Eymieu.
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