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De toute façon, quelles que soient les théories
tendancieuses ou équivoques, qui circulent dans
l'Église, parfois même en haut lieu, on ne peut ni
ne doit les accepter, si elles contredisent le
concile de Trente, qui impose absolument à notre
croyance, comme un DOGME DE FOI, que " le Christ est
tout entier sous l'espèce du pain et sous la moindre
parcelle de cette espèce". En conséquence, tous les
prêtres doivent "observer les prescriptions
concernant la purification de la patène et du
ciboire qui figurent aux numéros 120, 138 et 237-239
de la Présentation générale du Missel romain",
comme
l'indique une réponse de la Sacrée Congrégation pour
la Doctrine de la foi, reproduite dans les "Notitiae",
organe de la Sacrée Congrégation du culte divin
(8).
Au sujet des parcelles eucharistiques, il faut
rappeler, non sans besoin, que tous les "systèmes
moraux" ne jouent plus. En effet, au-dessus d'une
obligation légale de respecter les parcelles
eucharistiques, il y a un bien qui est mis en danger
et qu'il faut à tout prix sauvegarder, c'est-à-dire
la présence réelle du Christ. Il s'agit d'un domaine
où nous devons aller au plus sûr. À ce sujet, on
peut se reporter à une opinion erronée condamnée par
Innocent XI, le 4 mars 1679
(9).
En effet, même si l'on est partisan de théories
plutôt libérales concernant la présence réelle dans
les parcelles eucharistiques, il faut maintenir
absolument que "il n'est pas possible de déterminer
exactement à partir de quelle grandeur on peut et on
doit les considérer comme espèces sacramentelles.
C'est pourquoi, en pratique, on observera avec soin
les rubriques du Missel, établies pour sauvegarder
entièrement la vénération due au sacrement du Corps
et du Sang du Christ"
(10).
Quand on considère la doctrine du concile de Trente,
tout est bien clair et ne laisse place à aucun
doute: "Le Christ est présent tout entier sous
l'espèce du pain et SOUS LA MOINDRE PARCELLE de
cette espèce". Ce langage ne ressemble aucunement à
certains articles, dans lesquels on retrouve les
caractéristiques du lessivage de cerveau: il serait
très facile d'en fournir des démonstrations, avec
des exemples bien concrets à l'appui...
En effet, la plupart des attaques que l'on porte
contre les vérités bien établies dans l'Église, ne
sont pas nettes et directes. Elles insinuent, puis
elles rectifient; elles insinuent à nouveau d'une
façon plus marquée. Il arrive souvent que dans un
même texte, on ne craint pas de se contredire avec
l'air le plus naturel du monde.
Ou bien encore on rapprochera deux thèses opposées,
dont l'une est conforme à la doctrine de l'Église,
tandis qu'on indique mollement les erreurs de
l'autre thèse. Et l'on multiplie unilatéralement les
remarques qui ébranlent la vraie doctrine et rendent
les esprits perplexes. Ou encore, lorsqu'une
permission est donnée, on essaie de la faire
considérer comme une obligation, qui exclut en fait
toute possibilité de faire autrement.
Le vague des formules permet de faire passer ce que
l'on veut, surtout si l'on ajoute que cela s'inscrit
dans la dynamique de Vatican II. Et depuis quelque
temps, on est frappé par la fréquence de l'ambiguïté
qui règne même dans l'Église. Et les textes
théologiques relatifs aux parcelles eucharistiques
constituent une illustration exceptionnelle de ce
procédé corrosif de la doctrine authentique de
l'Église, qui fut exprimée comme un DOGME DE FOI par
le concile de Trente.
Confusion au sujet de la substance du pain
changé au
Corps du Christ
Il est normal que l'on cherche à mieux comprendre
les vérités divines, avec les moyens scientifiques
dont dispose chaque époque, mais il faut éviter les
confusions possibles. Ainsi, le mot "substance" a
beaucoup évolué, passant progressivement de la
métaphysique à l'empirisme, pour s'identifier au
contenu de l'expérience sensible d'où la tendance à
ne l'étudier que sur le plan physique. Toutes les
difficultés que Calvin relève contre la
transsubstantiation proviennent de ce qu'il la
comprend au plan physique.
Aux théories nouvelles, il faut répondre que la
transsubstantiation est une mutation totale de la
réalité profonde du pain et du vin, qui deviennent
le Corps et le Sang du Christ. Toutefois, cette
mutation ne peut être analysée d'une façon
expérimentale. En théologie, la substance n'est pas
considérée au point de vue physique ou chimique: la
substance, c'est l'être lui-même dans sa consistance
propre et sa vérité profonde, tel que l'intelligence
humaine le saisit.
Si l'on veut considérer la notion de substance en
fonction de la transsubstantiation, il faut
l'envisager comme un changement d'un ordre supérieur
à la physique, sur lequel la foi seule a prise, ou
plus précisément comme un changement de l'ordre
proprement sacramentel, ordre d'une réalité qui n'a
rien de commun avec le plan des réalités naturelles.
C'est faire une erreur que de se situer sur le plan
de la physique ou de la chimie; notre plan est celui
de la foi et du sacrement.
Quand la physique parle de matière, elle n'a
aucunement en vue ce que la philosophie appelle la
substance des choses matérielles. Cette substance,
considérée en elle-même, est purement de l'ordre
intellectuel et elle ne peut pas être perçue par les
sens ni par aucun moyen d'observation et de mesure.
Dans le cas de la transsubstantiation, il se
rencontre une transformation substantielle d'un
genre tout à fait spécial, unique. Ainsi, lorsque du
bois brûle, il devient de la cendre: il se produit
alors une transformation substantielle naturelle.
Aux noces de Cana, quand l'eau fut changée en vin,
il y eut une transformation substantielle de l'ordre
miraculeux. Mais dans la transsubstantiation, toute
la substance du pain se convertit, s'évanouit non
dans le néant, mais dans le Corps du Christ, qui
préexistait et qui demeure inchangé.
En conséquence, comme le dit saint Thomas d'Aquin,
"le Corps du Christ ne cesse pas d'exister sous les
espèces sacramentelles, tant que celles-ci
subsistent"
(11). Et comme, dans le sacrement de
l'Eucharistie, le Corps et le Sang du Christ ont
remplacé la substance du pain et du vin, il faut une
modification telle, dans les espèces du pain et du
vin, qu'elle suffise à leur dissolution, pour que
disparaisse le Corps et le Sang du Christ dans ce
sacrement.
Mais ce qui est vrai pour les hosties entières,
l'est tout autant pour les parcelles ou les
fragments, comme l'a affirmé si clairement le
concile de Trente. En l'occurrence, ce n'est pas la
perception subjective et sensible des parcelles qui
doit compter, mais leur capacité objective à être
perçues.
C'est pourquoi, si nous VOYONS sur la PATÈNE ou dans
le CIBOIRE des parcelles d'hosties, nous sommes
gravement obligés en conscience de les considérer
comme l'Église a toujours demandé de le faire. C'est
une exigence élémentaire de la foi. Malheureusement,
combien de prêtres actuellement ne prennent plus la
précaution de se frotter les doigts au-dessus de la
patène ou du calice, après avoir touché la Sainte
Hostie, au cours de la Messe. Ainsi, ils répandent
un peu partout les parcelles eucharistiques, sur les
feuilles du Missel, sur leur calice, par terre, etc.
Sans doute, les intentions sont bonnes le plus
souvent, mais il faudrait revenir à une foi plus
éclairée…
La Communion dans la main
Il est un point qu'il est nécessaire de clarifier,
au sujet de la Communion dans la main, et qui a des
relations très étroites avec les parcelles
eucharistiques. Cette pratique est généralisée, en
plusieurs milieux, alors qu'elle devrait demeurer
plutôt exceptionnelle.
En effet, cette autorisation était accordée par la
Sacrée Congrégation pour le culte divin, le 29 mai
1969, "là où s'était introduit déjà un usage
différent — celui de déposer la Sainte Communion
dans la main — (...) afin d'aider les Conférences
épiscopales à accomplir leur tâche pastorale,
devenue souvent difficile dans les circonstances
actuelles"
(12). Mais cette permission fut formulée,
seulement après qu'on eût rappelé que la Communion
sur la langue devait demeurer "la façon
traditionnelle de distribuer la Sainte Communion aux
fidèles" (13).
Ce document du Saint-Siège rapporte le résultat
d'une enquête faite auprès de tous les évêques de
l'Église latine, pour connaître leur opinion à ce
sujet, et "ces réponses montrent qu'une forte
majorité d'évêques estiment que rien ne doit être
changé à la discipline actuelle; et que si on la
changeait cela offenserait le sentiment et la
sensibilité spirituelle de ces évêques et de
nombreux fidèles"
(14).
Et l'on confirme que c'est l'APPROFONDISSEMENT DE LA
FOI envers la Sainte Eucharistie, qui a conduit à la
pratique généralisée de la Communion sur la langue:
"Lorsque la vérité et l'efficacité du mystère
eucharistique, ainsi que la présence du Christ en
lui, ont été plus approfondies, on a mieux ressenti
le respect dû à ce Très Saint Sacrement et
l'humilité avec laquelle il doit être reçu, et la
coutume s'est établie que ce soit le ministre
lui-même qui dépose sur la langue du communiant une
parcelle du pain consacré."
"Compte tenu de la situation actuelle de l'Église
dans le monde entier, cette façon de distribuer la
Sainte Communion DOIT ÊTRE CONSERVÉE, non seulement
parce qu'elle a derrière elle une tradition
multiséculaire, mais surtout parce qu'elle exprime
le respect des fidèles envers l'Eucharistie"
(15).
Dans une lettre de la Sacrée Congrégation pour le
culte divin, en date du 6 juin 1969, on indiquait
que "il importe que chaque fidèle ait la possibilité
de recevoir la Communion sur la langue"
(16). De
plus, comme la Communion sur la langue doit demeurer
"la façon traditionnelle de distribuer la Sainte
Communion aux fidèles" comme l'indiquait très
clairement l'Instruction de la Sacrée Congrégation
pour le culte divin, du 29 mai 1969, il faut
conclure, en toute logique, que les prêtres, du
moins ceux qui le préfèrent en conscience, sont tout
à fait autorisés à distribuer habituellement la
Communion sur la langue. Ces prêtres peuvent
s'appuyer, en toute sécurité doctrinale, sur
l'Instruction qui vient d'être indiquée, d'autant
plus qu'il s'agit d'une "permission", et une
"permission" n'est pas une "obligation"...
Sans aucun doute, on peut justifier un certain
étonnement devant la généralisation de la Communion
dans la main, en plusieurs milieux, ce qui n'est pas
conforme à l'esprit et à la lettre de la
"permission" accordée par S.S. Paul VI. On a
pratiquement transmué une "permission". C'est
pourquoi les personnes, dont la sensibilité
spirituelle serait offensée par la Communion dans la
main, n'ont aucune raison de se "culpabiliser", car
la Communion sur la langue, "qui doit être
considérée comme traditionnelle, assure plus
efficacement que la Sainte Communion soit distribuée
avec le respect, le décorum et la dignité quoi
conviennent"
(17) .
L'un des inconvénients majeurs de la Communion dans
la main réside dans le fait que souvent des
parcelles de détachent des Hosties, pour s'attacher
à la main ou aux doigts, et ensuite elles tombent
par terre. Il faut avouer que de nombreux prêtres ne
s'occupent pratiquement pas des parcelles, au cours
de leur Messe et dans la distribution de la Sainte
Communion.
D'ailleurs, les directives officielles du Magistère
de l'Église nous rappellent l'attention que nous
devons apporter pour "ne pas laisser tomber ni se
disperser les fragments du pain eucharistique",
lorsque la Communion est distribuée dans la main. Ce
devoir était notamment rappelé par la Sacrée
Congrégation pour le culte divin, le 19 juin 1969,
dans l'Instruction "Memoriale Domini",
(18) et par
la Sacrée Congrégation pour la discipline des
sacrements, le 29 janvier 1973. Dans ce dernier
document, on peut lire, en effet, ce qui suit: "On
fera preuve de beaucoup de soin et d'attention,
spécialement pour ce qui a trait aux fragments qui
peuvent se détacher des Hosties: ceci concerne tant
le ministre que le fidèle, lorsque les Saintes
Espèces sont déposées dans la main de celui qui
communie" (19). Il faut reconnaître que cela est
très difficile, en pratique!... De plus, la
présentation générale du nouveau Missel parle aussi
d'un plateau que chacun des communiants tient
au-dessous de sa bouche, lorsqu'il reçoit la
Communion sur la langue
(20).
Au sujet de la Communion dans la main, monsieur
Marcel Clément, rédacteur du journal "L'Homme
Nouveau", écrivait ce qui suit: "Plus ou moins on
insinue l'idée que le laïc qui communie dans la main
obéit au Concile et que le laïc qui reçoit dans la
bouche l'Eucharistie, est un adversaire du Concile.
Or, c'est LE CONTRAIRE"...
Et après avoir cité quelques passages de
l'Instruction "Memoriale Domini", passages qui ont
été rappelés précédemment, monsieur Clément conclut
ainsi avec raison: "J'insiste: ce texte, signé du
Cardinal Gut et du père Bugnini, est celui qui a
toléré la Communion dans la main, en exhortant
simultanément que l'on conserve — pour des raisons
qui touchent à la Majesté de Dieu — la manière
traditionnelle de recevoir l'Eucharistie.
Alors? Pourquoi avoir ordonné à tant de Religieuses
et à tant de laïcs de communier dans la main «pour
obéir au Concile»... alors que Rome n'a toléré cet
usage que pour ne pas contraindre trop durement ceux
qui désobéissent"
(21)?
Communion par « intinction (22)
»
non permise par
les laïcs eux-mêmes
À ce sujet, l'Instruction de la Sacrée Congrégation
pour les sacrements et le culte divin, du 17 avril
1980, décrétait ce qui suit: "La Communion est un
don du Seigneur, qui est donné aux fidèles par
l'intermédiaire du ministre qui a été délégué pour
cela. Il n'est PAS PERMIS aux fidèles de prendre
eux-mêmes le pain consacré et le calice; et encore
moins de se les transmettre les uns les autres (23)". C'est une pratique fréquente, surtout dans le
Renouveau charismatique, qu'il faudrait corriger.
La présentation générale du Missel indique comment
le prêtre doit procéder, en pratique, et on y ajoute
que chacun doit aussi "tenir le plateau au-dessous
de sa bouche". Quand les fidèles trempent eux-mêmes
l'Hostie dans le Calice, il arrive assez souvent
qu'ils s'y trempent les doigts ou qu'une goutte de
Précieux Sang tombe sur l'autel ou par terre. Il
s'agit là d'une abominable profanation, car une
seule goutte du Précieux Sang de Jésus vaut
infiniment plus que tout l'univers matériel, plus
que tous les hommes même les plus dignes, plus que
tous les anges et les saints, y compris la Vierge
Marie.■
Père Ovila Melançon,
c.s.c.,
théologien.
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8) Juillet-août 1972, p.227.
9) Voir Denz., n.1151. Voir aussi B. Haring, La Loi
du Christ, Tournai, Desclée & Cie, 1956, t.1, p.
231-232.
10) J.Lécuyer, C.S.Sp., Les fragments d'hosties,
dans Doc. Cath.,17 sept. 1972, p. 816.
11) Somme théol.,3,q.80,a.3.
12) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 671.
13) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 670.
14) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 670.
15) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 670.
16) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 671.
17) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 671.
18) Doc. Cath., 20 juil.1969, p. 670.
19) Doc. Cath., 15 avril 1973, p. 360.
20) Voir n. 246-247.
21) L'Homme Nouveau, 17 oct. 1976, p.1.
22) Par intinction: en trempant l’Hostie consacrée
dans le Sang du Christ.
23) N.9.
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