épreuve ou tentation? Quelle  différence? Dieu tente-t-il les humains? La réponse de la Foi Catholique.
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épreuve ou tentation?

Dieu peut-Il tenter l'homme? Les Pères de l'Église, ainsi que les théologiens se sont penchés sur la question; et l'Église a déclaré : « Dieu ne peut ni vouloir, ni faire le mal moral ; Il ne peut que les permettre.» (De foi, concile de Trente, sess.VI, can.6) Or, tenter quelqu'un est un mal moral, puisqu'il s'agit d'inciter cette personne au péché : Dieu ne peut donc pas tenter l'homme.

Voilà qui est clair, et qui va dans le même sens que l'intervention de saint Jacques : « Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise : C'est Dieu qui me tente... Dieu ne tente personne. » (Jac. 1,13)

Mais alors, me répliqua un jour une connaissance, pourquoi est-il écrit, dans la Bible : « Le Seigneur votre Dieu vous tente pour qu'il apparaisse visiblement si vous L'aimez » (Deut.XIII, 3) ?

Dans un premier temps, il faut bien prendre garde à la Bible que nous utilisons, car pour la lire en français, il faut forcément avoir recours à une traduction. Or celles-ci ne sont pas toutes fidèles et égales en valeur, car il faut beaucoup de connaissance et d'esprit de foi pour arriver à bien exprimer l'âme des textes originaux. Si l'on consulte la Bible traduite en français par les moines de Maredsous (une des meilleures traductions françaises qui existent), ce même passage apparaît formulé ainsi :

« Le Seigneur votre Dieu vous éprouve pour savoir si vous l'aimez de tout votre cœur et de toute votre âme. »

(Le verbe « éprouver » apparaît également dans les Bibles de Crampon et de Jérusalem.)

Nuance apparemment subtile, mais pourtant d'une très grande importance... Dans la langue française, les mots « tentation » et « épreuve » ne s'équivalent pas, même s'ils ont une certaine parenté quant aux apparences et à leur racine grecque 1. Parce que la tentation accompagne presque toujours l'épreuve, on les confond souvent l'une pour l'autre. Mais elles sont, en réalité, très différentes.

Un passage de la Genèse nous en donne un exemple frappant.

Dieu créa nos premiers parents, dans une sainteté et un bonheur originels très grands qui devaient non seulement ne jamais finir, mais atteindre toute leur plénitude au Ciel, sans passer par la mort. Tout cela était don gratuit de la part du Créateur, et non un dû. Il convenait donc que ces grâces, ce bonheur, soient en quelque sorte mérités par Adam et ève, qu'ils soient la récompense de leur fidélité: Dieu plaça l'arbre de la connaissance du bien et du mal au centre de l'Eden, avec défense d'en manger le fruit. Il voulait ainsi les mettre à l'épreuve, c'est-à-dire leur fournir une occasion de Lui donner la preuve de leur fidélité, de leur amour.

Mais dans cette épreuve, Satan s'insinua et il tenta Adam et ève pour les amener au mal, au rejet de Dieu. Pour que nos premiers parents aient la liberté de Le choisir, et pour qu'ils aient occasion de mérites et de vertu, Dieu permit la tentation. Il la permit seulement, mais Il n'en fut pas l'instigateur et encore moins le tentateur.

On voit donc la grande différence entre tentation et épreuve, entre tenter et mettre à l'épreuve.

Celui qui éprouve (met à l'épreuve) le fait dans le but de permettre à « l'éprouvé » de triompher, de prouver son amour et sa fidélité et de sortir grandi de l'épreuve. Dieu, en éprouvant l'homme, a en vue le bien de l'homme; Il espère son succès et sa fidélité.

Celui qui tente agit dans le but d'amener l'être humain à capituler, à faire le mal et à mourir spirituellement. Satan, en tentant l'homme, ne vise qu'au malheur de ce dernier, et il souhaite sa déchéance.

Voilà pourquoi Dieu ne peut être tentateur, ni tenter : c'est une façon d'agir qui serait contre-nature pour Lui. Si Dieu voulait inciter au mal, Il ne serait plus Dieu, parce qu'Il ne serait plus infiniment Bon ! On ne peut pas plus imaginer un Dieu tentateur qu'un rond carré...

"L'Esprit Saint nous fait discerner entre l'épreuve, nécessaire à la croissance de l'homme intérieur en vue d'une « vertu éprouvée » (Rm 5, 3-5), et la tentation, qui conduit au péché et à la mort."  (Cat. de l'Église Catholique, #2847)

Bien sûr, Dieu permet la tentation parce qu'Il a la puissance d'en faire sortir le bien que sont les mérites et la vertu que nous acquérons en la combattant et en la vainquant. Il la permet aussi parce qu'en nous faisant réaliser notre petitesse et notre faiblesse (car nous ne pouvons la vaincre sans Dieu), la tentation devient "école d'humilité". Mais Dieu ne permet jamais que nous soyons tentés au-dessus de nos forces; et pour chaque tentation qui nous assaille, que celle-ci vienne de notre concupiscence, du monde ou de Satan, Il met à notre portée la grâce correspondante pour la vaincre.

"Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle; Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. Avec la tentation, Il vous donnera le moyen d'en sortir et la force de la supporter " (1 Co 10,13).

Cette grâce, nous devons la favoriser par notre vigilance et par la prière. "La prière de demande est si vitale que Jésus l'a incluse dans le Notre Père : Ne nous laisse pas succomber à la tentation". (Dictionnaire populaire catholique, Claude LaVergne, C.Ss.R)

Ailleurs, Notre-Seigneur nous a aussi recommandé : « Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation. » (Mat. 26,41)

Si nous succombons à la tentation, c'est parce que nous n'avons pas eu recours à l'aide divine pour y résister, ou parce que nous nous sommes mis volontairement et sans nécessité en occasion d'être tentés.

Mais, ne dit-on pas aujourd'hui, dans le Pater : « Ne nous soumets pas à la tentation »?

Certes, cette traduction dite "officielle" ne déclare pas que Dieu nous tente Lui-même. Mais, de l'avis de plusieurs, elle est un peu ambiguë, difficile de compréhension. Par exemple, certaines  personnes croient que ce passage du Notre Père implore Dieu de supprimer toute tentation. Cependant le commentaire de saint Thomas d'Aquin dit expressément que nous ne demandons pas au Seigneur d'être exempts de la tentation, mais de ne pas y succomber.

Il y a, dans ce passage du « ne nos inducas in tentationem » latin, une difficulté de traduction qui ne date pas d'aujourd'hui. Pensons à l'ancienne version « Ne nous induisez pas en tentation » qui n'est guère plus heureuse pour la compréhension populaire.

"Traduire en un seul mot [le mot : soumettre] le terme grec est difficile : il signifie « ne permets pas d'entrer dans », « ne nous laisse pas succomber à la tentation ». (...) Nous demandons à Dieu de ne pas nous laisser prendre le chemin qui conduit au péché. (...)" (Catéchisme de l'Église Catholique, # 2846)

C'est pourquoi plusieurs Catholiques se sentent plus à l'aise avec l'ancienne version – toujours permise –  du Pater qui dit: « Ne nous laissez pas succomber à la tentation », car elle a le mérite d'énoncer clairement le sens que nous indique le Catéchisme de l'Église Catholique.

En fait, il n'existe aucune obligation, pour les prêtres ou les laïcs, de réciter le Notre Père dit « officiel ». Cependant, par un compréhensible soucis d'homogénéité dans les célébrations liturgiques, la plupart des prêtres l'ont adopté... certains en souhaitant qu'un jour, soit révisée cette traduction, en vue d'une meilleure compréhension par tous.

Marie Chantal


___________________

1     Le mot « tentation » tel qu'employé dans le Pater (le Notre Père), vient d'un terme grec qui ne signifie pas seulement comme en français « suggestion au mal », mais toutes sortes d'épreuves, persécutions, souffrances... (Toute la Messe vécue, Richer-M. Beaubien o.f.m.)

De là, il est facile, pour un traducteur mal éclairé, de mettre indifféremment « épreuve » ou « tentation », en français, alors que le mot grec, mis dans le bon contexte, devrait être compris seulement dans l'un ou l'autre de ces sens.
 


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