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BIENHEUREUSE LAURA VICUÑA
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Coopératrice salésienne 1891-1904
La famille salésienne, à la suite de Don Bosco, sait
susciter la sainteté chez les jeunes. Après Dominique
Savio, découvrons Laura Vicuña, jeune sud-américaine
décédée avant ses 13 ans, et proclamée Bienheureuse par
Jean-Paul II.
LA CRUELLE VéRITé
Au collège des Sœurs Salésiennes de Junin, Laura
découvre le bonheur. Dès le premier contact, lorsque
sa maman Mercedes a laissé les deux fillettes aux
mains de Sœur Angèle, elle a goûté le sens de la
famille. C'est vrai, Mandina (c'est le surnom
d'Amanda), s'était agrippée à elle. La pauvre! À 7
ans elle ne pouvait pas comprendre pourquoi sa maman
la laissait là, seule avec sa grande sœur.
Pour Laura, tout est neuf. Elle a fui, il y a
près d'un an, le Chili en pleine révolution. Et
maintenant, elle commence à se faire de nouvelles
amies dans les montagnes d'Argentine.
Les Sœurs sont devenues sa nouvelle famille.
Car, depuis la mort de son papa, il y a sept ans,
Laura n'a guère connu ni la paix, ni la joie d'un
foyer.
LA LUMIèRE SE FAIT SUR L'INACCEPTABLE
Justement c'est le thème de l'entretien de ce
jour. Sœur Angèle explique le mariage à sa petite
classe attentive. Les filles sont partagées entre
inquiétude et fascination. En effet, dans le pays
beaucoup d'entre elles sont mariées vers 12-13 ans.
Il n'est donc pas trop tôt de commencer à en parler!
"L'amour c'est ce qu'il y a de plus beau. Et
c'est encore plus vrai quand on peut le partager".
Au fur et à mesure des explications de la Sœur,
un sentiment étrange envahit le cœur de Laura.
Autour d'elle, les copines ne sont pas avares de
questions et Sœur Angèle répond avec délicatesse et
exactitude à tous leurs soucis. Soudain Laura saisit
le pire. Elle vient de comprendre la vie de sa mère,
pauvre veuve abandonnée qui se réfugie dans la ferme
de Manuel Mora. Un homme redoutable, qui traite son
monde en esclave. Le regard triste de maman et la
gêne devant ses enfants... Et maintenant l'internat
chez les Sœurs loin de la ferme. Son cœur s'emballe.
Laura s'évanouit. La vérité du scandale vient de
tuer l'innocence de l'enfant.
Comme les autres fillettes accueillies au
Collège des Sœurs salésiennes de Junin (Argentine),
elle vit dans un climat qui favorise la maturation
spirituelle et la connaissance des choses de la foi.
LA SECRèTE PRIèRE DE LAURA
«Tu pourras faire ta Première Communion cette
année, si tu le veux»,
propose-t-on à Laura.
Elle se prépare avec enthousiasme à cette fête.
Très vite, elle construit un projet secret dans son
cœur. En effet, Mercedes Vicuña, sa mère, n'est plus
à l'aise avec la pratique religieuse. Depuis son
arrivée en Argentine, elle vit une relation ambiguë
avec son protecteur Manuel Mora. Ce dernier ne
s'embarrasse pas de "bondieuseries". Mercedes
n'avait-elle pas conseillé à ses enfants de prier en
cachette pendant les dernières grandes vacances ?
«Seigneur, le jour de ma Première Communion, je
voudrais tant que maman s'avance pour communier en
même temps que moi, ce serait mon plus précieux
cadeau».
Laura, pleine de lucidité, connaît le cœur de sa
mère. Elle sait que celle-ci a concédé beaucoup de
ses convictions à cet homme qui la domine.
Le 2 juin 1901, les chants de fête dans la
petite chapelle et l'atmosphère de gaîté des enfants
de Junin (collège) ne réussissent pas à combler le
désir de Laura. Sa maman reste à l'écart et ne
communie pas. Laura est triste et inquiète à la
fois. Le mal qui ronge sa maman est donc plus lourd
qu'il n'y paraît...
___________
La deuxième année passée à Junin, au collège des
Sœurs salésiennes, se termine. Mercedes Vicuña
regarde sa fille Laura avec étonnement. Elle est
devenue grande et belle, avec ses yeux foncés et ses
cheveux ondulés. Les fossettes qui se forment sur
ses joues, quand elle rit, attirent la sympathie.
«Au revoir ! Au revoir!»
En partant pour le domaine de Quilquihué oà sa
mère a établi son gîte auprès du riche propriétaire
Manuel Mora, Laura a le pressentiment de ce qui
l'attend. D'ailleurs, Mercedes, sa mère, en fait
l'amère expérience. C'est un patron arrogant,
grossier et despotique. Elle avait cru pouvoir
s'appuyer sur lui pour améliorer sa situation, mais
aujourd'hui, elle reconnaît que sa vie s'est
transformée en esclavage.
Cela fait deux jours à peine que les deux
fillettes, Laura et sa sœur Amanda, sont de retour à
la ferme. De la véranda où elle reste durant la
journée, Laura voit Manuel arriver et attacher son
cheval au poteau, près de l'entrée de la maison. Il
exige de rester seul avec la jeune fille et chasse
la mère qui se réfugie dans la maison. Mais Laura se
débat et se sauve. L'homme vaincu médite un autre
coup. Il ne peut accepter qu'une enfant de 11 ans
lui résiste.
LA DéTERMINATION FACE à LA VIOLENCE
Quelques jours plus tard a lieu la fête du
marquage des animaux nés dans l'année. Le domaine
prend l'aspect d'un village au jour de foire. Les
gardiens de troupeaux se mélangent aux serviteurs et
à leurs familles. Les amis du patron et les
propriétaires voisins sont là aussi. On boit, on
joue, on chante jusqu'à la tombée de la nuit qui
annonce l'ouverture du bal. Les danses vont
commencer.
Manuel signale le début des danses en
s'apprêtant à esquisser les premiers pas. Laura le
voit s'avancer vers elle. Elle répond par un "non"
fier et décidé. L'homme est fou de rage: il insiste
en se voulant charmeur. Mais c'est sans compter sur
la détermination de Laura. Les invités observent. Le
patron rougit, il est chez lui ici!
«Ah oui, elle ne veut pas danser, la sainte
nitouche?»
Il saisit l'adolescente par le bras et la jette
dehors avec les chiens.
Manuel Mora s'en prend maintenant à la mère
qu'il couvre d'injures, et lui ordonne de rappeler
sa fille pour qu'elle vienne s'excuser et danser.
Mercedes sort, mais elle n'arrive pas à convaincre
sa fille. Tout à coup la porte s'ouvre, Manuel sort
et saisit la pauvre maman par le poignet. Elle est
liée au poteau. Les danses s'arrêtent. Personne, pas
même les frères du patron, n'ose intervenir. Manuel
Mora fouette Mercedes jusqu'au sang. Les amis
enfourchent leur cheval et s'en vont.
Laura, blottie derrière les arbres, pleure. Elle
assiste dans la nuit à l'humiliation de sa mère.
___________
Laura Vicuña et sa sœur Amanda ont eu toutes les
peines du monde à rejoindre leur école pour cette
nouvelle rentrée de février 1902 au collège des
Sœurs salésiennes. Le terrible propriétaire Manuel
Mora qui héberge la mère et les deux fillettes
s'opposait à ce qu'elles retournent chez "ces
bigotes de bonnes sœurs".
— Alors, comment se sont passées ces vacances ?
Les questions fusent de toute part entre les
jeunes filles qui se retrouvent après les congés
d'été. Laura ne veut pas parler de ses mésaventures
estivales. Manuel Mora s'était vengé sur la petite
famille de ce qu'elle l'ait publiquement éconduit.
Il s'était opposé à ce qu'elle reprenne ses classes
chez les Sœurs. En effet, n'est-ce pas à cause de
ces dernières et de leur morale que Laura, jeune
adolescente de 11 ans, avait refusé ses avances?
La mère s'était révoltée :
— Ce sont mes filles. Je veux qu'elles
retournent à la pension chez les Sœurs! Je ne suis
pas ici comme une esclave!
— Ou esclave ou morte. Quant à ces deux, on
verra bien!
Il avait fallu, sous l'insistance de Laura, que
la mère aille demander aux Sœurs de reprendre les
deux élèves gratuitement, faute de ressources.
Maintenant, l'école reprend. Personne n'imagine
le drame qui se joue dans le cœur de Laura. Elle
cache tous ces problèmes sous une allure joviale et
un enthousiasme contagieux.
Merceditas Vera est de trois ans plus âgée que
Laura. Elles sont pourtant devenues amies. Il est
vrai que Laura est si mûre de caractère, et douée
d'une forte intériorité. Elle sait être une compagne
agréable. Ce qui rapproche les deux filles, c'est un
même idéal. Elles désirent donner toute leur vie au
Seigneur. Peut-être comme une de ces Sœurs
salésiennes qu'elles fréquentent au collège?
D'ailleurs, la sœur aînée de Merceditas Vera vient
de faire une démarche en ce sens.
Lorsque Sœur Anne-Marie, enseignante auprès des
deux jeunes filles, vient à mourir, elles prennent
une résolution importante :
— Un jour, nous prendrons sa place!
Le 1er
avril 1902, Merceditas laisse éclater toute sa joie.
Elle vient de manière tout officielle de revêtir la
pèlerine de postulante, en signe d'un premier pas
pour devenir Sœur salésienne. Laura imagine le jour
où elle pourra vivre le même engagement.
VERS UNE VIE NOUVELLE
Mercedes Vicuña vit une véritable souffrance
chez Manuel Mora. Sous prétexte qu'il est le
propriétaire du domaine de Quilquihué, littéralement
"le repaire du faucon", profitant de la fragilité de
cette veuve, mère de deux fillettes et expatriée, il
songe à en faire une esclave par un jeu de séduction
de plus en plus subtil et entreprenant. Maintenant
qu'il tient la mère, il convoite l'aînée, Laura.
Pourtant cette enfant s'avère être une proie
insaisissable pour le bourreau! Non seulement elle a
déjoué tous ses pièges et refusé ses avances, mais
elle veut sauver sa mère. Son confesseur, le Père
Crestanello est dans la confidence:
"As-tu bien réfléchi? Donner ta vie pour ta
maman, c'est le plus grand acte d'amour. Mais c'est
très dur".
Laura sait ce qu'elle veut. Dans la chapelle du
collège des Sœurs salésiennes de Junin au Chili, en
ce 13 avril 1903, elle offre sa vie à Dieu pour que
sa maman se libère de ses chaînes.
L'hiver n'en finit plus. Il fait froid. Laura
tombe malade. Malgré les soins et l'attention des
Sœurs, elle ne guérira pas. Sa maman vient la
chercher et décide, à la grande fureur de Manuel
Mora, de se réfugier dans une petite maison louée à
Junin, loin du domaine et de son faucon. Un
après-midi de janvier 1904, à l'improviste, les
sabots d'un cheval retentissent dans la petite cour.
Manuel saute à terre et entre en maître : "Je
veux passer la nuit ici". La mère est glacée de
frayeur. Laura rassemble ses forces, se lève et
sort. Mora, qui craint un esclandre public, se jette
sur elle, fou de rage, la saisit par le bras, la
ramène à la maison et se met à la frapper
sauvagement. Des gens accourent. Laura ne peut se
défendre, mais ses yeux ne manifestent aucune peur.
L'homme cède et enfourche son cheval pour s'éloigner
au galop. Il est vaincu.
Mercedes, la mère, est désemparée. Elle n'a pas
trouvé la force de protéger sa fille. Laura
l'appelle :
"Viens, maman. Je veux te parler. Je ne guérirai
pas, tu sais. Je vais bientôt mourir. C'est moi-même
qui l'ai demandé à Jésus. Je lui ai offert ma vie
pour toi... Pour que tu retournes à Lui. Je t'aime".
Mercedes est anéantie. C'est donc pour elle que
sa petite souffre ? C'est pour elle qu'elle meurt?
Le 22 janvier 1904, Laura meurt paisiblement,
elle n'a pas encore 13 ans. Le jour même, Mercedes
se confesse et communie. Une nouvelle vie commence
en elle. Il n'est pas facile de casser la chaîne qui
la liait à Mora. Elle s'enfuit en retraversant les
Andes. Laura, son enfant, lui a redonné la vie. Elle
repart seule, mais elle n'est plus désespérée: elle
a rencontré Dieu. ♦
Daniel FEDERSPIEL
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